Recrutement : les codes 
ont changé

Face à la pénurie de main-d’œuvre qui affecte de nombreux secteurs d’activité, les entreprises testent de nouvelles méthodes de recrutement.

Claire Brugier

Le7.info

Lors de son ouverture en août 2020, le Centre de rénovation de véhicules d’occasion (CRVO) du groupe Emil Frey, à Ingrandes-sur-Vienne, avait déjà recruté en externe 101 personnes, sur un total de 144 salariés. Pour étoffer rapidement ses rangs, l’entreprise a mis en place des sessions de job dating, avec visite de son site et de ses outils novateurs. « Cela permet de faire entrer les candidats dans notre univers et de lever les freins liés à l’image de l’usine », expliquait alors Damien Wisniewski, directeur Business Unit pièces de rechange. Sur le même principe, Marie Surgelés a organisé à l’automne dernier une journée de recrutement, avec la promesse d’une immersion dans son usine de Mirebeau. Le CHU de Poitiers aussi a mis en place son propre forum de recrutement.


Le rapport au travail a changé et, dans tous les secteurs d’activité, les façons de recruter s’en ressentent. 
« Aujourd’hui, les candidats ont besoin de plus d’informations concrètes sur le poste proposé, la culture de l’entreprise… Moins ce sera flou et plus ils se projetteront. Ils veulent que l’on s’intéresse vraiment à eux », 
analyse Karine Billaud. La responsable du cabinet de recrutement Kaphisto RH met en garde contre l’innovation pour l’innovation. « On a beaucoup industrialisé les process de recrutement -et les nouveaux outils automatiques et les réseaux sociaux poussent à ça-, mais il y a des fondamentaux à respecter. »


Technologies, 
jeu, sport

Dans le sillage du CV vidéo, les nouvelles technologies ont investi les process. La startup poitevine Skilleo en a même fait son cœur de métier en s’appuyant sur les jeux vidéo pour détecter des compétences comme la faculté à gérer le stress ou à travailler en équipe. Dans le domaine du jeu toujours, Transdev a fait appel à la Scop RDV Nomade, spécialiste des escape games.


Le sport aussi est devenu un support. La MJC de Montmorillon, en lien avec Pôle Emploi, a ainsi organisé un job dating autour… du badminton. Et dans un tout autre genre, le bailleur social Ekidom est lui aussi sorti des sentiers battus (lire ci-dessous). D‘aucuns ont fait le pari d’inclure la formation dans le processus de recrutement. L’opérateur de transport urbain Vitalis finance le permis D de ses futurs conducteurs (cf. p. 8), le pisciniste Desjoyaux a créé son propre centre d’apprentissage à Fouillouse (Loire)…Les entreprises rivalisent donc d’inventivité pour attirer de nouveaux collaborateurs. Mais Karine Billaud met en garde : « On peut imaginer plein de choses, si ce n’est pas ciblé, cela ne fonctionnera pas mieux. »

 

Ekidom façon The Voice

Pour recruter en nombre et bien, Ekidom a mis en place un dispositif innovant. Avec Adopte ton job, le bailleur social a revu et corrigé le principe de l’entretien.

Moins de deux mois pour recruter quinze postes dans le cadre de sa réorganisation… Face à l’urgence, Ekidom a lancé au printemps une opération inédite baptisée Adopte ton job. Le bailleur social a tout simplement changé les règles. « Souvent, lors d’entretiens de recrutement, nous nous retrouvions à la fin à répondre aux questions des candidats », explique Nathalie Ouvrard, chargée de recrutement et de formation. De là est née l’idée d’une première phase en forme d’entretien virtuel inversé. Le principe : une salle par poste proposé, un manager et un salarié pour répondre aux questions des candidats sur les salaires, l’ambiance au travail… 
300 personnes se sont inscrites, 150 se sont connectées en direct et le replay a été envoyé aux absents. 


La deuxième phase avait été conçue comme le télécrochet The Voice, à l’aveugle. Chaque candidat avait sept minutes pour présenter son parcours, sa motivation et une citation qui le représente. « L’objectif était de faire différemment, de passer outre tout signe de discrimination. En tant que recruteur, on n’est jamais 100% objectif, ce dispositif nous a permis de gagner en objectivité. » Le classique entretien venait en troisième partie. Pour cette initiative, Ekidom a reçu le Prix de l’innovation managériale décerné par l’Union sociale pour l’habitat. Renouveler l’expérience ? « Le monde du recrutement évolue très vite, il faut sans cesse s’adapter », lâche Nathalie Ouvrard, avant d’évoquer de nouvelles pistes, comme la mise en place de banques de CV inter-entreprises…

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