Hier
Le Regard de la semaine est signé Cristiane Santos-Bodin.
« Femme, vie, liberté. » Ce slogan né lors de la révolution du Rojava a été scandé par des femmes combattantes kurdes. Il m’a fait penser à un extrait du livre de Leïla Slimani, « Comme les hommes qui criaient « Liberté ! Indépendance ! », elle criait « Liberté ! Indépendance ! », mais personne ne l’entendait. » Pourquoi écrire sur un sujet évident en France, le pays de la liberté ? La réponse paraît également évidente. Les droits des femmes ne sont pas encore totalement acquis. Pour qu’ils se pérennisent, il faut les remettre constamment en cause, analyser le scénario mondial et se remémorer le passé. Penser que son noyau social est la seule réalité existante est tellement nombriliste.
Et ce n’est pas seulement en Iran qu’une femme est contrôlée à cause de la tenue qu’elle porte. J’ai déjà entendu en France des femmes dénigrant une autre simplement parce que celle-ci portait des vêtements jugés « inappropriés ». Deux poids deux mesures. C’est contradictoire d’abhorrer les cultures infligeant des règles aux femmes tout en méprisant le comportement de celles de notre entourage. La Finlande, démocratique et libérale, est un exemple occidental prouvant que les femmes sont les parias de la société indépendamment de leur demeure. Sa Première ministre a été dans le collimateur des conservateurs juste parce qu’elle jouissait de sa liberté.
La femme ne peut disposer complètement de son corps comme elle le veut, peu importe son origine ou son code postal. Lorena Borjas, Cao Shunli, Marielle Franco, Gauri Lankesh et Iryna Tsvila sont des voix militantes qui ont été bafouées aux quatre coins du monde. En France, 147 femmes ont été tuées par leur compagnon en 2022. Ce sont des chiffres. On ne peut leur donner un visage. C’est pourquoi le féminicide ne « commotionne » plus l’audience. On n’a pas accès à leur vie et à leur piteux destin de femmes surveillées, menacées et assassinées par leur partenaire qui, un jour, leur a offert des fleurs pour la Saint-Valentin. Tout cela n’est pas qu’une affaire de couple, c’est un litige concernant toute la société.
Affirmer que les droits des femmes est un sujet déjà acté est fallacieux. Rappelons l’abrogation de la loi Roe & Wade et le recul de la démocratie dans différents pays. Nos droits ne sont à l’abri ni du patriarcat, ni de la moralisation culpabilisante qui nous anéantissent quotidiennement à travers l’écart des salaires, le manque de places en crèche, la précarité menstruelle, les standards de beauté, la mutilation génitale et le mariage forcé. La violence de genre n’est pas une invention idéologique. La liberté doit être conquise autant que préservée. Veillons sur la nôtre et militons pour celle d’autrui.
CV express
Native de Rio de Janeiro, j’ai fait mes études en français/portugais. Ac- tuellement, je travaille auprès des migrants en tant que formatrice FLS. J’adore mon métier car le contact avec d’autres cultures me permet d’être plus consciente de mon rôle dans ce monde.
J’aime : mon fils, Rio, Gaël Faye, la musique et la culture brésiliennes, Edgar Morin, Charles Aznavour, Simone Veil, faire la cuisine, être à la plage, danser les yeux fermés, les paysages en pleine nature, la sociologie, l’eau de coco et les couchers de soleil à Rio, tous les arts, le Pays basque.
J’aime pas : les incivilités, être sous pression, me réveiller tôt, les mouches, les parfums à la noix de coco, l’injustice sociale, l’injustice tout court, la jalousie.
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