Paroles de déplacées

Olga Korosteleva, 
Oleksandra Sokur, Olga Ivasiv, trois Ukrainiennes en exil et autant de vies chamboulées par la guerre. Elles ont accepté de se confier à la veille du premier anniversaire du conflit déclenché par les Russes.

Arnault Varanne

Le7.info

1. Olga K. 

« Le pire jour 
de ma vie »

Elle est l’une des rares Ukrainiennes à avoir décroché un job. CV sous le bras, Olga a fait le tour des salons de coiffure mi-2022 pour proposer ses services. The Barber Company, à Poitiers, lui a tendu la main. 
« Je suis très heureuse d’avoir un appartement grâce à Audacia et un emploi, admet la trentenaire. Mais je veux retourner en Ukraine dès que ce sera possible. » Originaire de Kramatorsk, la mère de Violetta, 
8 ans, considère le 24 février 2022 comme « le pire jour de [sa] vie. Personne ne s’attendait à ce qu’une telle horreur se produise dans mon pays... »

A peine quelques semaines après les combats, elle a fui avec son amie Marina et 
« quelques affaires seulement », 
à l’invitation d’une famille de Migné-Auxances qui a adopté en Ukraine. Son amie est repartie vers Kiev, la barrière de la langue a eu raison de sa patience. Olga parle « un peu français » et s’appuie sur le logiciel de traduction de son téléphone pour échanger. « Mais avec les clients, on se comprend ! », 
plaisante-t-elle. Depuis son appartement des Couronneries, Olga suit la guerre par écrans interposés et se réjouit que son frère et sa sœur soient « dans des villes où ils ne craignent rien ». 
Reste l’attente, interminable, et l’envie, féroce, de réinvestir cet appartement « acheté juste avant la guerre ». Son contrat de travail se termine fin mai.

2. Oleksandra 

« Essayer de 
me réaliser »

Pour les déplacés d’Ukraine, tous les chemins mènent à Audacia ou presque ! Oleksandra Sokur occupe depuis septembre un poste d’agent administratif au sein de l’association, après avoir « aidé [ses] compatriotes » 
dans leurs relations avec l’administration. « Grâce au fait que je parlais un peu français... », 
prolonge la jeune femme de 30 ans. Il y a encore un an, la manager dans un centre médical privé vivait toujours à Kiev. Les bombes l’ont fait fuir et la titulaire d’un master en tourisme n’a pas choisi la France par hasard. « J’aime votre langue, j’ai pris des cours par Skype pendant un an et demi. » 
Ses deux précédents séjours en Charente, en 2016 et 2019, n’ont évidemment pas le même goût que celui-ci.

D’abord logée à Civray, Oleksandra a trouvé un appartement à Poitiers et voit son avenir se dessiner ici, loin de l’Ukraine donc. « Je suis très inquiète pour mon pays, surtout à l’approche du 24 février. Je m’inquiète aussi pour mes parents, même si c’est calme à Kiev. Mais ils n’ont pas d’électricité tout le temps, de chauffage. Ils m’impressionnent car ils sont très positifs. Moi, je vais essayer de me réaliser ici pour aider mes proches là-bas. » 
Son contrat s’achève fin mars.

3. Olga I. 

« J’espère revenir... »

Nous l’avions rencontrée la première fois chez Thierry et Chantal Desroches, aux Roches- Prémarie (cf. Le 7 n°558). Olga Ivasiv, sa fille Daryna et ses parents venaient alors de débarquer en France. Puis nous l’avions revue en mai, quelques jours après sa prise de fonction au Centre national d’enseignement à distance (Le 7 n°566), à Chasseneuil. Mais en août dernier, la professeure de français-anglais et ses proches ont choisi de retourner à Kiev. « La ville était calme à cette période et nous avons choisi de revenir, surtout pour mes parents. J’ai repris mon poste à l’université, même si la situation s’est tendue à partir d’octobre. » La jeune femme avoue que « le black-out de décembre » a été difficile à vivre. Il a alors fallu se réfugier dans le métro et les caves et il faut toujours faire avec les coupures d’électricité et les alertes aux bombardements, presque quotidiennes. 
« On ne s’habitue jamais à cette situation... » De ses cinq mois en France, elle ne retient que de bons souvenirs. « J’espère revenir un jour pour dire merci à Madame Chantal, à Monsieur Thierry et au Cned où tout le monde a été très gentil. J’apporterai des petits cadeaux à tout le monde. » Le 1er anniversaire de l’invasion russe ? « Je ne le crains pas spécialement. »

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