A Conte d’auteur

Benjamin Conte. 39 ans. Agent de voyage, auteur-compositeur-interprète et plus encore. Originaire du Sud de la France, a longtemps été guide en Norvège et vient de (re)déposer ses valises ici. Signe particulier : a livré en janvier l’album Ce que l’on vit, référence directe à ses mois de confinement dans la Vienne.

Arnault Varanne

Le7.info

Il a passé en revue son répertoire et, « à l’instinct », a appelé Sophie. C’est elle qui l’a hébergé pendant trois mois, à Buxerolles, à partir du 16 mars 2020. C’est avec son ancienne cliente et fan de son répertoire... musical que l’ancien guide de voyage à Bergen a traversé le confinement. De cette époque crépusculaire, est né un album de dix titres, Ce que l’on vit, consacré à la crise sanitaire, au pangolin et la chauve-souris, à ceux qui n’ont pas pu guérir aussi. Alors que les barrières sanitaires sautent les unes après les autres, le timing de la sortie ne laisse d’interroger. « Je laisse juste une trace indélébile de ce qui s’est passé, reconnaît l’artiste. Pour des tas de raisons, je ne pouvais pas le sortir avant... » Reste que certains morceaux, à commencer par Nos hôpitaux et nos vieux, ont rencontré le succès sur le Web dès 2020 -500 000 vues-, remarqués (entre autres) par le médecin Philippe Juvin.

Le mirage Sheila

Trois ans plus tard, l’enfant de la Paillade, quartier populaire de Montpellier, a (re)déposé ses bagages sur les bords du Clain, à Saint-Benoît, après une parenthèse de deux ans à Metting, petit village alsacien où il a « tourné les clips de l’album et rencontré des gens fabuleux ». Qui sait si sa carrière n’aurait pas pris une autre tournure sans ce foutu Covid ? « J’étais en contact avec un producteur qui voulait me faire rencontrer Sheila... », souffle-t-il. Qu’à cela ne tienne, le presque quadra prône la patience et les vertus du temps long. Après La Bougeotte en 2017, Il a déposé deux cents chansons à la Sacem, prépare trois disques et une série de concerts « pour l’automne 2023 en duo avec un musicien ». Bref, le petit « ouvrier de la sensibilité » comme il aime à se dépeindre entretient la flamme. « Ça ne fait que cinq ans que les gens ont entendu parler de moi... » L’air de rien, Benjamin a déjà assuré les premières parties de Grand Corps Malade, Ben Mazué, Malo, Pauline Croze, Malo, Ours ou encore Philippe Katerine, son « papa poule ». 

« Cali, je le considère comme un modèle sur le plan artistique et humain. »

Longtemps, sous le soleil de l’Hérault, le troisième d’une fratrie de six enfants a rêvé de grands espaces et de musique. Mais quand à 7 ans, les huissiers de justice embarquent le juke-box familial pour éponger les dettes -« un vrai choc »-, on mise plutôt sur la première option. Et ce en dépit de « cours de solfège donnés par [m]a grand-mère ». A 20 piges, il a donc largué les amarres, épris de liberté, de rencontres inspirantes... et de Cali. « J’ai dû le voir quatre-vingt fois en concert, je le considère comme un modèle sur le plan artistique et humain. Il a une belle carrière, est humble. » Dans un style à mi-chemin entre Renan Luce, Calogero ou Vianney, l’auteur-compositeur-interprète-producteur-tourneur et bien plus encore a tracé sa route, avec le piano, la guitare et des textes ciselés en guise de compagnons éternels. De la Norvège à la France, en passant par les Rencontres d’Astaffort, sa « liberté de ton » l’a aussi suivi. Hors de question aujourd’hui de céder aux sirènes d’une maison de disque qui voudrait le formater. Il est mu par un désir d’authenticité. Hors de question aussi de participer à des télécrochets forcément réducteurs. Son poste de conseiller voyage au sein de l’agence poitevine Promovacances le met à l’abri du besoin financier. 

Talent, chance, travail 

Derrière un regard bleu et un flot de paroles maîtrisé, Benjamin Conte évoque « les deux moteurs de sa vie » avec un égal bonheur. Et sa sensibilité encore, « une qualité et un défaut ». La première fois qu’il a à nouveau assisté à un concert « en vrai » -une chorale à Saint-Georges-lès-Baillargeaux- il n’a pu retenir ses larmes. Même choc des mondes aux Francofolies en 2020, « une année sans programmation officielle ». Forcément, l’énergie de la foule lui manque. Il ne s’interdit pas une petite apparition devant La Hune, à Saint-Benoît, pendant la Fête de la musique, le 21 juin. Il ne s’interdit pas non plus d’aller échanger avec Christophe Willem, programmé le 29 juillet aux Trois-Moutiers dans le cadre des Heures vagabondes, pour lui « proposer des textes » ou carrément une collaboration. Aussi « maladroit » soit-il, le néo-Poitevin possède un sens de l’adaptation hors pair, que le Covid a aussi largement favorisé. Et il estime aussi que la réussite arrive avec trois critères : le talent, la chance, le travail. « Si vous en avez deux sur trois, vous arrivez déjà à des résultats intéressants ! » Son répertoire musical devrait s’épaissir dans les mois à venir. Telle la bise, à laquelle il a dit au revoir sur son dernier album, Benjamin Conte est de retour. Déconfiné et décomplexé. 

DR Benjamin Rupin

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