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Dans son quatrième long-métrage, Le temps d’aimer, Katell Quillévéré interroge un amour non conventionnel, travesti par les secrets, accablé par la société française des années 1950 et 1960. Madeleine et François veulent y croire, le spectateur aussi.
L’après-guerre. Elle est jeune mère célibataire d’un garçon de 5 ans, lui prépare sa thèse d’archéologie à la Sorbonne. Ils se rencontrent sur une plage de Bretagne, échangent leur premier baiser sur fond de soleil couchant… Comme Madeleine et François, le spectateur voudrait y croire mais les premières images du dernier film de Katell Quillévéré ont prévenu, le charme est rompu avant-même d’avoir pu éclore. Malgré son titre et une affiche romantiques, Le Temps d’aimer n’a rien d’une bluette. Les secrets y sont trop lancinants. Les deux jeunes gens ont beau trinquer à Kairos, « la chance à saisir au vol », ils sont marqués au fer rouge. Madeleine a été tondue à la Libération. Elle a porté l’enfant d’un sous-officier allemand et, depuis, elle traîne Daniel par devoir, comme un mauvais souvenir. Si l’enfant ne comprend pas, plus tard l’ado voudra connaître la vérité. Quant à François, il préfère taire son secret jusqu’à ce qu’il lui explose au visage. La société n’est pas prête à l’entendre, Madeleine si.
Accablé par le poids des non-dits, le trio traverse les époques sous la caméra sobre, crue, parfois glaçante de Ketell Quillévéré. Les visages de Madeleine et François parlent sans mot dire, sans maudire non plus. Le Temps d’aimer est avant tout un film sur l’acceptation de l’autre, dans ou plutôt malgré une société française des années 1950 et 1960 qui peine à se libérer de son histoire et de sa morale.
Fréquemment filmés en gros plan, sans artifices, Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste sont remarquables de justesse et de sensibilité dans les rôles de ces deux parias que leurs secrets ont unis, pour le meilleur et pour le pire. Hélios Karyo et Paul Beaurepaire, qui incarnent Daniel à différents âges, ne déméritent pas aux côtés de leurs aînés.
Inspiré de l’histoire vraie de la grand-mère de la réalisatrice, Le Temps d’aimer, quatrième long-métrage de Katell Quillévéré, sonne comme une œuvre personnelle et intime, à regarder sans juger, le temps d’un film.
Drame, romance, de Katell Quillévéré, avec Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Hélios Karyo (2h05).
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