Hier
Jeff Bardet. 52 ans. Mécanicien à son compte à Cissé. Spécialiste des Mini. Coureur automobile. Ancien rugbyman, en première ligne. A radicalement changé de vie en 2018. Ne regrette rien, au contraire. Signe particulier : une détermination à toute épreuve.
C’était un matin d’hiver comme tous les autres, quelques jours après Noël et peu de temps avant le Nouvel an synonyme de vœux à formuler. L’un de ces matins où on se lève avec la ferme intention de changer le cours de son existence. « Pour moi, c’était le 28 décembre 2018. Le jour de mon anniversaire, je suis allé à Pôle Emploi pour la première fois. L’après-midi, j’ai aussi annoncé mon départ à mes chefs en demandant une rupture conventionnelle et j’ai pris des billets pour un voyage d’un mois en Thaïlande... » Le café fume encore sur le comptoir de son atelier, mais Jeff Bardet n’est pas du genre diesel. La conversation a démarré sur les chapeaux de roue, façon débit mitraillette. Le natif d’Availles-Limouzine parle haut et clair. Il raconte sans filtre sa transition du monde de l’industrie, où il a passé plus de vingt ans comme responsable du dépoussiérage à parcourir la France et le monde, à sa prime passion : la mécanique automobile.
Chez le dentiste
Déjà gamin, le fils de fonctionnaire et de mère au foyer rêvait de mettre les mains dans le cambouis. « J'ai toujours bricolé, des tracteurs, des vélos, des motos... A la campagne, il y a toujours un truc à réparer. » Ses parents ont préféré « qu’[il] fasse des études ». Alors Jeff s’est embarqué dans un BTS génie thermique « par esprit de contradiction », qui l’a mené vers l’industrie. Mais en parallèle, le minot du Sud-Vienne a roulé, un peu, beaucoup, passionnément, au circuit du Vigeant. « Pour trois francs six sous, on roulait le dimanche après-midi... » Le temps a passé et une visite chez le... dentiste à L’Isle-Jourdain a servi de déclic pour le jeune salarié. « Je passais devant le circuit du Vigeant et ce jour-là se déroulait une course de Mini. Je me suis promis que je la disputerais un an après. » Pari tenu. « Quand je veux quelque chose... »
« Tout ce que j’ai fait m’a permis d’avancer dans ma vie personnelle et professionnelle. »
Ah, la bagnole ! L’ancien rugbyman au RC Confolentais et aux Cheminots de Poitiers y a consacré beaucoup de temps, d’argent aussi, même si « les Mini coûtent moins cher ». que les Jaguar et autres Porsche. Pour acquérir sa Marcos, l’ancien cadre n’a pas hésité à aller jusqu’à Belfast, où il a découvert « un monsieur très sympa et une voiture pourrie jusqu’à l’os ». Qu’à cela ne tienne, le première ligne au physique de déménageur s’est débrouillé « avec des Anglais qui jouaient au rugby pour leur monter des meubles » et repartir avec la quasi-carcasse. Là encore, il fixe le cap : « Elle roulera sur circuit au printemps » (2009, ndlr). Et de fait, la Marcos blanche a accumulé les kilomètres, jusqu’à avaler des courses d’endurance de seize heures. Quand on aime, on ne compte pas. Et Jeff Bardet adore, alors... Alors du circuit des Remparts à Angoulême à Spa, en Belgique, en passant par Brands Hatch, en Angleterre, le pilote ne compte plus les titres et les invitations des organisateurs.
Le père de famille, un garçon de 22 ans lui aussi rugbyman et fan de voiture, dit avoir ralenti, responsabilités obligent. « Quand on est salarié, si on n’est pas là le lundi à l’embauche, l’entreprise se débrouille. Là, si je ne suis pas là, l’atelier ne tourne pas. » La comparaison est aisée entre ses deux domaines d’expertise où la performance tient lieu de point commun.
Sans regret
Depuis qu’il a changé de métier, Jeff Bardet « ne voit pas le temps passer ». Du reste, il n’appréhende ni son âge ni ses sensations physiques. Un pépin de santé aurait pu, dû, le conduire à la sédentarité. « J’ai pourtant fait vingt-cinq ans de rugby et je fais de la course par tous les temps », réplique le colosse au tempérament bien trempé et à la prise de risques assumée. Le bashing auto ? Ça l’énerve au moins autant que « l’actu déprimante ». Et de comparer les voitures de collection à « des objets de son enfance qu’on peut chiner dans un vide-greniers ». Des « souvenirs heureux », le natif d’Availles-Limouzine en cultive à la pelle. S’il fallait recommencer, il suivrait « le même parcours ». « Tout ce que j’ai fait m’a permis d’avancer dans ma vie personnelle et professionnelle. Je vis la vie que je voulais. » A fortiori depuis ce fameux 28 décembre 2018, le jour où « tout » a basculé ou presque.
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