Entre 1940 et 1944, ignorant ou bravant l’interdiction allemande de photographier, des Poitevins ont réalisé des clichés qui, à l’opposé des images prises par les Allemands, renouvellent le regard sur cette période.
Prise entre 1941 et 1942, cette photographie montre quatre soldats français des colonies, prenant la pose avec quatre habitants de la Vienne. L’ambiance est visiblement détendue, chacun arborant un franc sourire, une main sur l’épaule ou un regard bienveillant marquant une complicité certaine entre les soldats et les Poitevins. Les chaussures boueuses, la pelle posée sur le sol indiquent que le cliché a été pris lors d’une pause pendant des travaux effectués dans un chemin proche des bâtiments d’une ferme dont on aperçoit le toit et la cheminée en arrière-plan.
A cette date, les Allemands ont ouvert à Poitiers un camp réservé aux prisonniers de guerre des troupes coloniales françaises, le Frontstalag 230. Léopold Sédar Senghor sera l’un d’entre eux. Le Frontstatlag 230 formait alors la tête d’un réseau de plus petits camps répartis dans le département de la Vienne. Tous situés en zone occupée, ils avaient pour objectif l'exploitation des prisonniers coloniaux comme main d'œuvre agricole dans les campagnes.
Malgré ses dimensions modestes, ce document donné par un particulier illustre l’intérêt majeur que peuvent revêtir certaines photographies pour l’histoire du Poitou. Alors que le Frontstalag 230 a laissé peu de traces écrites dans les archives, cette photographie révèle la présence de ces prisonniers coloniaux dans la campagne poitevine. Prise à la Coudre, sur la commune de Thuré, cette image figure des prisonniers coloniaux provenant probablement du camp rural de Scorbé-Clairvaux situé à 4km. Une telle photographie témoigne des relations d’entraide, sinon d’amitié, qui ont pu naitre entre des populations poitevines et africaines, dont la rencontre soudaine a nécessairement suscité des curiosités réciproques.
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