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Tout amateur de montagne vous le dira : le Kilimandjaro, avec ses 5 895 mètres d’altitude, est un véritable défi, même pour des sportifs aguerris. Alors, que dire quand les grimpeurs sont privés d’un sens, parfois de deux ? « Quand on vous annonce que vous allez perdre la vue dans quelques années, on repense à tous ces projets laissés de côté », confie Soline Bonnomet. Je voulais vivre une expérience forte, partagée, avant que l’obscurité ne s’installe. » Le déclic est venu presque par hasard. En regardant une vidéo de l’influenceuse Léna Situations, qui racontait son ascension, Soline, 38 ans, réalise que ce rêve est peut-être accessible, même pour des « bigleux » atteints d’Usher. L’idée fait son chemin, et lorsqu’elle partage son projet sur son compte Instagram Margueriteworldtour, ses 7 000 abonnés réagissent immédiatement. Une vingtaine de personnes se portent volontaires. Mais il faut limiter les inscriptions : la sécurité prime et tous ne sont pas au même stade de la maladie. Neuf malvoyants et trois accompagnateurs valides formeront l’expédition. Pendant des mois, ils s’entraînent, suivent une préparation physique exigeante et réunissent près de 7 000€ par personne pour financer matériel, voyage et guides locaux. Un an après le premier post sur les réseaux sociaux, l’équipe est au pied du géant africain. Le départ est programmé le 21 juillet.
Six jours et 5 895m d’altitude les séparent du sommet. Mais très vite, les corps sont mis à rude épreuve. Le manque d’oxygène provoque nausées, vertiges, crises d’angoisse. « On a appris à vivre avec nos handicaps, on ne se plaint pas facilement. Mais l’altitude met tout le monde à genoux », explique Soline. Elle, qui documente l’expédition chaque journée sur ses réseaux, se surprend à trouver de la force dans l’élan collectif. Les guides deviennent de véritables anges gardiens. « Augusto, l’un d’eux, me serrait la main et appuyait dessus dès qu’un obstacle se présentait. C’était sa façon de me prévenir du danger. » Au fil des kilomètres, la solidarité se renforce. Les obstacles se franchissent ensemble. Mais la montagne finit par imposer sa loi. À l’ultime campement, alors qu’il ne reste que cinq heures d’efforts, Soline doit s’arrêter. Son état de santé inquiète, un œdème pulmonaire menace. Impossible de continuer sans risquer sa vie. Elle accepte, à contrecœur, de renoncer. Sur les dix aventuriers, cinq sont finalement parvenus jusqu’au sommet. Mais pour tous, l’expérience reste une réussite. Au-delà de l’exploit sportif, l’expédition a permis de collecter 15 000€ reversés à l’Institut de la Vision à Paris, pour soutenir la recherche sur cette maladie encore trop méconnue. Soline, elle, est déjà tournée vers la prochaine ascension qui aura lieu dans un an dans une destination encore inconnue.
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