
Aujourd'hui
Dans la Vienne, la vigne raconte une histoire vieille de deux millénaires, enracinée dès l’époque gallo-romaine. Si l’on ignore quand les paysans d’autrefois cueillaient leurs grappes, une certitude demeure : jamais les vendanges n’avaient été aussi précoces qu’aujourd’hui. « Avec les vagues de chaleur successives, tout le cycle de la vigne est bouleversé », explique Pascale Moreau, animatrice du syndicat des vins de l’appellation Haut-Poitou. Celui-ci regroupe 160 hectares sur les 700 du vignoble, avec 26 vignerons parmi les 97 agriculteurs revendiquant une activité viticole dans le département. « On n’avait encore jamais vendangé aussi tôt. » Même constat chez Stéphane Fleury, viticulteur à Thurageau, qui confiait récemment à nos confrères de La Vienne Rurale avoir sorti les sécateurs dès le 25 août. En soixante ans, le début des vendanges a ainsi été avancé de trois semaines. Résultat : les raisins, davantage exposés au soleil, donnent des vins plus chargés en alcool. « On connaît de gros écarts météorologiques. D’une année sur l’autre, les vins seront différents, mais cela ne nuit pas pour autant à la qualité », observe Cécile Pailhasse, cinquième génération de vignerons au domaine de la Tour Beaumont. Une évolution qui interroge à l’heure où les consommateurs cherchent des repères et un produit inchangé. « On voit bien que les habitudes se tournent de plus en plus vers la bière ou les alcools forts, qui ne dépendent pas des récoltes », note encore Pascale Moreau.
Aux portes de la vallée de la Loire et de l’Anjou, le vignoble du Haut-Poitou plie mais ne rompt pas. Entre la crise du Covid, la chute de la consommation d’alcool -entre 1970 et 2023, elle est passée de 21 à 10 litres par habitant et par an- et un contexte économique tendu, les vignerons ont été mis à rude épreuve. « Les prix sont tirés vers le bas par les acheteurs. Dans le Bordelais comme en Loire, les cours chutent, avec beaucoup d’arrachages de vignes. Nous parvenons à maintenir nos prix, mais rien ne dit que nous échapperons à cette spirale négative », s’inquiète Pascale Moreau. Les viticulteurs refusent cependant de céder au catastrophisme. « Nous n’avons pas d’autre choix que de nous adapter. C’est dans l’ADN de notre métier. Si, à l’avenir, il faut vendanger plus tôt, nous le ferons », affirme Aurélien, salarié au Domaine de la Rôtisserie. Par ailleurs, des cépages plus résistants à la sécheresse ont été introduits et certains, anciens, greffés sur des porte-greffes plus robustes. « C’est une évolution de long terme, souligne Pascale Moreau. L’enjeu sera de préserver nos cépages sans perdre l’identité de nos vins. »
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