Jean-Charles Suire-Duron, ça roule pour lui

Jean-Charles Suire-Duron. 53 ans. Directeur général de VYV Ambulance, 3 400 salariés en France. Tourangeau de naissance. Poitevin d’adoption. Entrepreneur dans l’âme. Fan de sport. Discret et altruiste. Côté privé, père de famille comblé.

Arnault Varanne

Le7.info

En décembre, il partira une nouvelle fois vers l’Ukraine, avec une kyrielle d’ambulances et du matériel médical destiné à tous ceux qui se débattent à l’arrière du front de la guerre. Ce sera sa huitième expédition solidaire. Jean-Charles Suire-Duron a initié le mouvement « sur un coup de tête » quelques jours après le début de l’invasion russe, en février 2022. « Je regardais la télé le dimanche et j’ai appelé l’ambassade d’Ukraine le lendemain qui m’a dit d’envoyer un mail, commente-t-il. On m’a mis en relation avec l’association Aide médicale et caritative France Ukraine, et voilà... » Et voilà comment, avec ses confrères de la France entière, le patron de VYV Ambulance (ex-Harmonie Ambulance) rend service « à [son] petit niveau ».

Tout est histoire d’échelle, mais le Tourangeau de naissance -de L’Ile-Bouchard précisément- dirige quand même une boîte de 3 400 salariés, répartis dans 
49 départements, sans compter les 1 100 collaborateurs de La Maison des obsèques, deux satellites puissants du groupe VYV (10Md€ de chiffre d’affaires). Vingt ans plus tôt, le Sancto-Bénédictin de cœur s’était pourtant montré méfiant lorsqu’Harmonie Mutualité l’a approché pour racheter sa boîte, 25 salariés à l’époque, avec comme ambition de monter un réseau national d’ambulanciers. « François Venturini, je lui dois tout. C’était un vrai capitaine d’industrie comme on en fait plus. Il m’a dit : Vous allez être le patron de mon activité. Mais avec votre jeunesse, votre caractère et votre indépendance, ça va être compliqué d’intégrer un groupe. » 


Fils « docile »

Les années ont passé, le bateau s’est lesté de milliers de matelots et navigue en eaux sereines, avec un capitaine « heureux » de son sort. Le fils d’huissier de justice et de professeure d’anglais se rêvait « entrepreneur », le voilà comblé, à 53 ans, sans regrets sur sa trajectoire ni ses choix de vie. « Un peu nostalgique mais pas mélancolique », le basketteur n’en veut même pas à ses parents de l’avoir détourné du centre de formation de l’ADA Blois au profit des études. A Tours ? Pas question de succomber aux tentations de la vie étudiante. Alors c’est à Poitiers qu’en fils « docile », il atterrit en fac de sciences économiques. Une licence plus tard, il quitte la fac une obsession en tête : 
« développer un projet qui a du sens, aider les autres. Je parlais déjà de service à la personne... » 
A la chambre de commerce et d’industrie, « M. Billouin » l’aiguille autant que possible, mais l’aspirant chef d’entreprise est un peu en avance sur l’époque.


« Ce sont souvent les rencontres qui font le succès... »

Qu’à cela ne tienne, le réseau du basket le rattrape. « Un copain qui bosse chez Reebok me dit qu’il cherche du monde pour organiser des tournois. » Jean-Charles se laisse tenter, enchaîne cinq ans de collaboration avec la marque US de baskets et vêtements, avec la Coupe du monde de football 98 en guise d’apothéose. Il se retrouve à 
« balader » le numéro 3 monde de Reebok dans Paris et les villes organisatrices. « Un truc de malade » pour cet amoureux transi de sport, tous les sports. « Ce sont souvent les rencontres qui font le succès... », 
observe-t-il. 


Et des rencontres, il en a cultivé en ouvrant un lieu de vie atypique au centre de la Rivardière, à Migné-Auxances, dans des locaux détenus par son père. Personnes âgées, jeunes sourds, aveugles et malvoyants, majeurs protégés avec des problèmes psy cohabitent au sein de ce centre « extraordinaire », 
davantage « social que thérapeutique ». Vienne Assistance a vu le jour ainsi, sur l’intuition qu’« il y avait quelque chose à faire dans l’ambulance » pour transporter les uns et les autres. Ni les turpitudes administratives ni les deux ans et demi sans salaire « à bosser comme des fous » n’ont découragé l’entrepreneur.


Fidélité

Dans dix ans, le père de famille de trois enfants (19, 14 et 12 ans) se verrait bien « donner de son temps » à des associations. Et aussi un peu vadrouiller entre son île de cœur, La Réunion, et Royan. En attendant, ce patron « discret par nature », jamais mieux 
qu’« en famille ou avec les 
copains », s’efforce de faire avancer des causes. Il y a l’Ukraine, bien sûr, mais aussi Ambulance des rêves, une association à laquelle il met à disposition tous les mois un véhicule et deux ambulanciers pour que des personnes en fin de vie accomplissent leur dernier souhait. Et parce qu’il 
« croit beaucoup dans la formation », Jean-Charles Suire-Duron a initié avec Grégory Thiélin l’académie VYV Ambulance, nouveau nom du centre de formation du Poitiers Basket 86. Les deux basketteurs se sont connus en Indre-et-Loire et ont renoué le contact en 2003, un matin de courses au supermarché. La vie est aussi une histoire de fidélité.

À lire aussi ...