Benoît Dujardin évoque cette semaine le bras de fer entre les géants du porno en ligne et la responsabilité numérique que tente d’imposer l’Etat.
Depuis des mois, la France mène un combat contre les sites pornographiques comme YouPorn et Pornhub. Le législateur veut imposer aux plateformes une obligation claire :
vérifier l’âge de leurs utilisateurs. Celles qui refusent d’obtempérer sont aujourd’hui fermées par décision de justice. À la place de leurs contenus, elles publient désormais des éditoriaux dénonçant une atteinte à la vie privée et alertant sur les dérives de la censure. Mais elles oublient de reconnaître leur immense responsabilité dans la surexposition des mineurs aux images pornographiques.
Au-delà du X, l’enjeu est bien plus vaste. Pour la première fois, un gouvernement tente d’imposer à des plateformes internationales une responsabilité directe. Elles ne peuvent plus se réfugier derrière le rôle de simples diffuseurs, comme si la protection des plus jeunes relevait uniquement des familles ou de l’école. Si la France remporte cette bataille, pourra-t-elle ensuite exiger la même chose des réseaux sociaux, sommés de répandre des torrents de haine, de désinformation et de contenus complotistes qu’ils laissent prospérer ?
Ce n’est sans doute pas un hasard si, au même moment, une commission d’enquête parlementaire sur les effets psychologiques de TikTok a rendu un rapport au vitriol
(cf. p. 19), qualifiant l’application de « pire réseau social à l’assaut de notre jeunesse ». La « bataille du porno »
pourrait ainsi devenir le premier jalon d’un affrontement plus global : celui de la responsabilisation des géants du numérique face aux ravages sociaux et culturels qu’ils contribuent à amplifier.