Laura Brouard, femme de combats

Laura Brouard. 30 ans. Châtelleraudaise. Ancienne militaire spécialisée dans le renseignement. Mère précoce. Sportive et engagée. Pompier volontaire. Vient de lancer son activité dans le civil à partir d’un outil d’analyse comportementale imaginé par... un militaire.

Arnault Varanne

Le7.info

A l’heure où le service militaire volontaire renaît de ses cendres, elle a quitté la Grande Muette. A l’heure où beaucoup ne rêvent que de s’échapper de Châtellerault, elle y est revenue. Pour de bon. Laura Brouard ne fait décidément rien comme les autres ! Depuis quelques mois, l’ancienne officière du 2e régiment de hussards d’Haguenau, banlieue de Strasbourg, met ses compétences acquises dans le renseignement au service des particuliers, entreprises, associations... Nom de code de l’outil breveté par un officier de son ancien régiment : SERUM. Objectif : « Remettre l’humain au centre », à partir de l’analyse des individus, de leurs comportements. « Ce qu’ils sont vraiment, ce qui les anime, etc. Parce que les diplômes ne font pas tout. J’aimerais pouvoir aider les gens qui ne sont pas dans les schémas classiques », exprime la jeune femme. A commencer par « les détenus de Vivonne ». 


Dans sa nouvelle vie professionnelle, ici et loin des drapeaux, Laura s’est promis de réussir, malgré cette « blessure d’ego », celle de ne « jamais avoir fait d’études ». « A l’armée, mes compétences intellectuelles ont été largement éprouvées, mais rien ne les sacralise. J’ai senti une montée en compétences incroyable. J’étais cadre, j’ai participé à trois Opex (opérations extérieures, ndlr) en Afrique, je traquais des terroristes et des trafiquants d’armes... » Façon de dire que ses expériences de terrain valent tous les certificats et brevets possibles.

Obstinée

Au sortir de son bac, décroché à Berthelot, la jeune mère de famille -« Lys est née trois semaines avant mon entrée en terminale »-, rêve d’études de droit. Avocate ou magistrate, comme une revanche sur la vie pour l’ado placée en famille d’accueil deux ans plus tôt. Mais la réalité d’un quotidien impossible à tenir la rattrape vite. Après « quatre-cinq mois », elle « prend deux boulots dans un hôtel et chez un traiteur », histoire de « payer l’inscription au Centre d’audiovisuel d’études juridiques », 1 100€ à l’époque. Elle gagne sa vie à en perdre la santé. Jusqu’à cette rencontre avec un ancien copain du collège George-Sand, un « galérien que j’ai trouvé transfiguré par son entrée à l’armée ».

« Sans mon pays, ce qu’il fait pour ses enfants, qui sait où j’aurais fini. »

Elle qui a « toujours aimé son pays » s’engage à son tour. 
« Au début, j’ai dit au Cirfa que je voulais être dans l’infanterie. Ils m’ont regardée et ont rigolé. Je les remercie beaucoup avec du recul ! » Les premiers tests font apparaître plus de prédispositions pour une spécialité essentielle : le renseignement ou opération d’Interception, localisation, brouillage, système (ILBS) dans le jargon militaire. Son statut de mère complique la donne, les portes de l’école des sous-officiers de Saint-Maixent se referment. « Heureusement, une personne du Cirfa s’est battue... » Elle en sort au bout de huit mois très bien notée, file à l’Ecole du renseignement de Saumur puis prend du galon. 
« J’ai toujours eu envie de servir le drapeau, de faire partie de quelque chose, d’appartenir à une famille. Je dois tout à la France. Sans mon pays, ce qu’il fait pour ses enfants, qui sait où j’aurais fini... » 


Exigeante

Laura Brouard refuse tout pathos, ni sur son chemin de vie chaotique, ni les vicissitudes de l’engagement pour la Nation. 
« La France a perdu des soldats à chaque opération à laquelle j’ai participé », dit-elle sobrement. Elle, a grandi à vitesse grand V treillis sur le dos. Jusqu’à ouvrir un nouveau chapitre, en janvier 2025, fait d’exigences -« je n’ai jamais l’impression d’être arrivée et je n’aime pas le chemin ! »- et d’objectifs. On ne se refait pas. Laura est pompier volontaire à la caserne de Châtellerault. Son « besoin de servir chevillé au corps » (on y revient) s’affranchit de toute coercition. 


A Châtellerault, la trentenaire est redevenue elle-même sans matricule pour l’entraver. Mère d’une ado « bienveillante et engagée », lectrice assidue... des Prix Goncourt, coach de l’équipe U15 de volley locale, joueuse et compétitrice. Capable, au fond, d’être « bouleversée par Les Bienveillantes de Jonathan Littell », de participer à une course d’obstacles en Espagne, grimper sur les murs d’escalade, pédaler... « Il y a plein de choses à faire dans cette ville qui est vraiment sportive. » Au-delà, la politique au sens de la gestion de la cité l’intéresse. Un horizon à 360° et une fidélité à ses racines rares. Et si c’était ça le secret de l’épanouissement ?

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