Serena Davis née Lydie Donnet. 40 ans. Bourguignonne d’origine, Poitevine d’adoption. Autrice, coach littéraire, conférencière... Fait de son trouble dissociatif de l’identité une force. Vit pour redonner confiance aux gens qui croisent son chemin.
Cette maison a été un coup de cœur. Après une vie à vadrouiller entre sa Bourgogne natale, Rennes puis la région parisienne, Serena Davis a posé ses valises à Poitiers l’an dernier pour… « aucune raison ». Elle sourit. « Enfin si. Mon conjoint Maxime en avait marre de la région parisienne. » Depuis, celle qui se nomme encore Lydie à l’état-civil, même si « plus personne ne [l’]appelle comme ça », se sent bien et estime avoir « réussi sa vie ». Autrice, coach littéraire, formatrice, conférencière… Serena, de son nom de plume, revendique pleinement le parcours qu’elle s’est construit. Et c’est ainsi qu’elle souhaite que l’on parle d’elle.
Car il serait tentant de la résumer à trois lettres : TDI ou trouble dissociatif de l’identité. « Avant d'être étiquetée par mon trouble, je suis déjà cette personne qui a réussi sa vie. Le trouble, je vis avec mais il ne me définit pas ».
Le ton est posé. Le TDI, elle le raconte dans Balade dans l’esprit d’une personnalité multiple, l’un de ses onze livres. La définition scientifique évoque « la présence d’au moins deux personnalités alternantes appelées alters, états autonomes ou identités du moi ». Le contenu, lui, est plus nuancé.
« On a tous un rôle avec les amis, un rôle au travail, avec la famille. La personne TDI, elle, va dissocier ces rôles au maximum sans qu’il n’y ait de communication entre eux. » Alors la journée se fragmente. « Quand je suis sur une tâche très professionnelle, par exemple, j’incarne une identité travailleuse et suis à fond mais quand je passe sur une autre identité, je peux oublier en un instant ce que j’ai fait avant. »
Se relever de son passé
Assise dans son salon, une bougie parfumée allumée, Serena replonge dans son passé. Son enfance d’abord… Parce que tout est lié. « Le TDI est un trouble de stress post-traumatique complexe. C'est entre 6 et 8 ans que l'on réunit les parties de soi en une seule pour former l'identité. » Chez elle, les traumatismes se sont accumulés. Difficile alors d’identifier l’élément qui pourrait être à l’origine des troubles, même si l’un d’eux s’impose. « Quand
j’avais 8 ans, mon père (schizophrène, ndlr) a poignardé ma mère sous mes yeux. » Un choc qui sera suivi par d’autres formes de violences, notamment conjugales. En réaction, Serena
« fragmente » inconsciemment sa vie pour se protéger et crée ainsi ses alters. « Chaque traumatisme va créer son personnage parce que ça évite de porter le trauma sur l'ensemble de la mémoire en permanence. Votre cerveau vous protège en fait. » Ses alters, Emma, Alexia, Leila et les autres (huit en tout), apparaissent alors au fil des années. A 15 ans, déjà, un indice laisse entrevoir une mécanique intérieure : elle écrit des lettres à une amie en signant avec des prénoms différents… et une écriture différente.
« Le fait d’avoir été diagnostiquée a changé ma vie. »
Le diagnostic, pourtant, ne tombera que bien plus tard, vers 34 ans. Entre-temps Serena avance, étudie, réussit. Elle devient cadre dans la banque à La Défense mais le sentiment de décalage demeure. Jusqu’à ce que de gros trous de mémoire l’amènent à se documenter et à consulter un psychiatre. Le verdict met des mots sur des années d’incompréhension.
« Le fait d’avoir été diagnostiquée a changé ma vie. » Reste la question du regard des autres. Son manager ne l’accompagnera pas. Écartée de son poste, elle se reconstruit ailleurs. Une mise à l’écart qui contribuera, paradoxalement, à façonner la femme et l’autrice qu’elle est devenue.
De la souffrance
à la parole
A 40 ans, Serena dit désormais « accepter » et « maîtriser » son trouble. Suivie par plusieurs professionnels, soutenue par son conjoint, elle vit son TDI sans le subir. « Le plus difficile à vivre, ce sont les symptômes qui l’accompagnent. C’est moins handicapant quand on comprend son fonctionnement et que l’on arrive à mettre en place des compensations. » Sa maison est organisée comme un fil d’Ariane : des télécommandes pour retrouver des objets, des carnets d’écriture pour chaque alter et un agenda partagé avec Maxime. Les souvenirs traumatiques et les absences restent présents mais la néo-Poitevine a choisi d’en faire une force. Car qui dit « identités multiples »
dit « capacités multiples ». Depuis 2021, elle enchaîne les romans et recueils écrits par ses différentes identités et a fondé en 2024 GuidEcriture Coaching et Formations, « une structure dédiée à l’accompagnement des auteurs pour que chacun révèle son potentiel. Je sensibilise aussi les entreprises et institutions au handicap à travers l’écriture ». Mission accomplie pour la petite fille qui se rêvait autrefois « écrivaine et femme d’affaires ».
Le trouble dissociatif de l’identité concernerait aujourd’hui entre 1,5 à 3,7% de la population. « En sachant cela, on peut imaginer que plusieurs personnes ont un TDI rien que sur le marché de Noël », glisse-t-elle, pour dire à la fois la prévalence… et la discrétion du trouble.