Série don d'organes - Thierry : « J’ai eu une chance inouïe »

Premier volet de notre série Don de soi, don des autres avec Thierry Gouleau. Souffrant d’une hépatite, le retraité montmorillonnais a bénéficié d’une greffe de foie il y a deux ans.

Le7.info

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Jeudi 28 juin 2023. Thierry Gouleau s’apprête à baisser le rideau de son salon de coiffure de Lathus-Saint-Rémy. Il devise avec un ami sur le programme du week-end lorsque son portable sonne. A l’autre bout, une infirmière du CHRU Trousseau l’intime de se rendre aux urgences avant 21h. « Elle m’a dit que j’allais être greffé dans la nuit... » A peine une semaine a passé depuis son entretien préalable avec le Pr Salamé. Tout se bouscule dans sa tête. Prévenir ses clients, préparer son paquetage pour partir à Tours, etc. Un mélange d’émotions le submerge. « Parce que savoir qu’on va vous enlever un organe pour en remettre un autre, quand même... »

« L’argent, les petits bobos, ce n’est rien à côté. »

Deux ans après, à la table des confessions, le Montmorillonnais se souvient de tout dans les moindres détails. De cet « oubli »
du personnel la première nuit qui a retardé sa greffe de quelques heures, de ce drain « déplacé qui m’a valu trois semaines d’hôpital supplémentaires », de la gentillesse du corps médical aussi... Qui a fini par le surnommer affectueusement « Mon p’tit chouchou ». 
Ces dix heures d’opération ont changé sa vie, alors qu’une vilaine hépatite contractée en 2021 avait semé la zizanie dans son corps, générant des nodules sur le foie, impossibles à éliminer par une autre méthode. Qu’est-ce qu’une balafre de vingt centimètres sur le flanc droit à côté du plaisir de prolonger son existence ?

Le père de deux garçons et grand-père de trois petits-enfants savoure. « Tous les matins, c'est un plaisir différent. Il y en a qui se lèvent et qui font la g... parce qu’il y a un truc qui ne va pas. Mais quand on est un mois et demi enfermé dans une chambre avec des soins tous les jours et qu'on est réveillé toutes les deux heures la nuit, on relativise. L’argent, les petits bobos, ce n’est rien à côté. » Et pourtant, les deux opérations subies au CHU de Poitiers pour réparer une éventration l’ont « brassé ». Il y a aussi ces huit gélules à avaler au quotidien ou encore ce régime draconien à respecter à la lettre. L’ancien fumeur, qui a « beaucoup fait la fête », ne boit plus une goutte d’alcool et s’astreint à un régime alimentaire strict. « C'est-à-dire pas de poisson ni de viande crue, pas de pamplemousse ni d'orange sanguine, pas d’œufs, de mayonnaise... » Une exposition limitée au soleil est par ailleurs recommandée.

Une donneuse

Thierry Gouleau est devenu un 
« militant de la cause ». Il pense souvent à « sa » donneuse, sur laquelle il a au final peu d’éléments. « Je sais seulement que c’était une femme de 51 ans qui avait des problèmes d’antibiotiques. Ce serait dommage de gaspiller ce don en faisant n’importe quoi », insiste-t-il. Inconsciemment, pour honorer sa mémoire, le Montmorillonnais profite des petits bonheurs du quotidien, des sorties au guidon de ses bécanes, au volant de sa 2CV ou de sa 4L. Et aussi de la cuisine, lui le spécialiste des sauces « faites à l’instinct ». Il a lâché son salon de coiffure avec quelques regrets, après trente-deux ans d’exercice, après le fameux coup de fil providentiel du 28 juin 2023.

Pourquoi cette série ?
Parce que le don d’organes charrie des histoires de vie extraordinaires au sens premier du terme. Parce que ce geste, ô combien symbolique, est encore un impensé en France. Deux chiffres en attestent. Au 1er janvier 2025, 22 585 patients étaient inscrits sur la liste nationale d’attente pour une greffe, tous organes confondus. En 2024, seulement 6 034 ont été réalisées... Un décalage qui s’explique d’abord par le taux d’opposition des Français (36,4%). Pourtant, 79% d'entre eux sont favorables au don de leurs propres organes après leur mort, mais moins d’un sur deux en a parlé à ses proches. Rappel utile, tout le monde est présumé donneur.

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