La course contre le temps des victimes de l’amiante

L’amiante revient sur le devant de la scène judiciaire. Le tribunal administratif de Poitiers est appelé à statuer sur la requête déposée par le comité d’établissement d’une entreprise charentaise, qui a utilisé ce composé cancérigène jusqu'en 1997. Une quarantaine de salariés attendent son inscription sur la liste des sociétés ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.

Romain Mudrak

Le7.info

La nouvelle est venue gâcher leur Nouvel An. Le 30 décembre 2013, la direction du travail de Charente a refusé d’inscrire Saint-Gobain Emballage parmi les entreprises qui ont soumis leurs salariés à un contact régulier avec l’amiante, sans protection suffisante. Selon le rapport d’enquête, contesté par les requérants, seuls 30% des personnels de cette usine de fabrication de bouteilles en verre, ont participé aux opérations de calorifugeage susceptibles de dégager des fibres d’amiante. Et encore, cela ne correspondait qu’à 2,5% de leur temps de travail.

« L’amiante était partout »

Pour l’avocat des requérants, Me Moehring, ce rapport « a clairement été inspiré par Saint-Gobain ». « L’amiante était partout et elle est encore présente aujourd’hui dans les poussières », poursuit Jean-Claude Ouvrard, ouvrier verrier depuis trente-quatre ans, qui était à l’audience ce matin.

Devant Nathalie Massias, juge des référés, l’avocat a relevé l’urgence de la situation : « Plus les mois passent, plus le nombre de salariés intéressés par cette allocation de départ anticipé diminue. Ils partent à la retraite sans compensation. » De 110 en 2005, ils ne sont plus qu’une quarantaine aujourd’hui. « Si le jugement sur le fond n’intervient que dans deux ans, nous ne plaiderons que pour le principe. »

« Sept personnes sont décédées à cause de l’amiante. Huit sont en maladie professionnelle », assure Jean-Claude Ouvrard. Il témoigne : « J’ai vu une femme tomber malade parce qu’elle a lavé toute sa vie le bleu de travail imprégné d’amiante de son mari. Lui-même est mort d’une maladie respiratoire. »

Au tribunal de Poitiers, les requérants demandaient donc, ce matin, qu’une nouvelle enquête de la direction du travail soit ordonnée. Une enquête durant laquelle ils pourraient être entendus. Le groupe Saint-Gobain n’était ni présent, ni représenté à l’audience. Le jugement sera rendu la semaine prochaine.

photo : Jean-Claude Ouvrard (au centre), Me Patrice Moehring (à droite).

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