La morale laïque au révélateur

Vincent Peillon en avait rêvé, Najat Vallaud- Belkacem l’a fait ! Depuis quelques jours, presque tous les élèves français sont soumis au même régime de l’Enseignement moral et civique (EMC). De nouveaux cours dans lesquels la laïcité apparaît en filigrane. Dans la Vienne au moins, la bataille des esprits reste à mener.

Arnault Varanne

Le7.info

Huit mois après les sanglants attentats de janvier et leur cortège de réactions outragées, les banderoles-symboles sont rangées au placard. Et les slogans en faveur d’une laïcité pleine et entière atténués par la problématique des réfugiés. Qu’on ne s’y trompe pas, cette première rentrée des classes depuis « l’affaire Charlie » -mais pas que !- sonne comme un rappel aux fondamentaux déclinés en début d’année. La preuve avec la mise en place, du CP à la Terminale, de l’Enseignement moral et civique (EMC). Les élèves de primaire y auront droit une heure par semaine, les collégiens et lycéens une heure tous les quinze jours.

En pratique, des sujets tels que la lutte contre les discriminations, le fonctionnement de la République, ses valeurs, le pluralisme des opinions… ou la laïcité seront abordés sans tabou. L’idée étant de semer des petits cailloux sur le chemin du vivre-ensemble. « La mobilisation pour les valeurs de la République demandera beaucoup de temps et de pédagogie. Les résultats ne sont pas pour demain, estime Jacques Moret, recteur de l’académie de Poitiers. Mais l’idée de l’EMC est de susciter des débats, des questionnements, de mettre en situation les jeunes, avec parfois des intervenants autres que des professeurs… »

« Une voie médiane à trouver »

Sur le champ si complexe de la séparation des églises et de l’Etat, l’Ecole fait un pas supplémentaire. Désormais, les parents d’élèves ont l’obligation de signer la fameuse Charte de la laïcité (quinze articles), affichée depuis deux ans au sein des établissements scolaires, dans une quasi-indifférence. A l’école primaire Tony-Lainé, une enseignante s’interroge cependant sur une éventuelle « surenchère des initiatives ».

En fait-on trop sur le sujet ? Le fait d’entériner le principe des vacances de printemps (Pâques), d’automne (Toussaint) et d’hiver (Noël) relève-t-il du gadget sémantique ou d’un puissant symbole ?... Les questions pleuvent et certain(e)s considèrent que « rien n’est réglé ». A l’image de Claudine Gréaud. « Pour nous, la laïcité au sens strict du terme n’a pas progressé, indique la représentante locale de la Fédération de la libre pensée. Ce n’est pas une affaire de point de vue personnel, mais une question d’organisation des pouvoirs publics : la nonreconnaissance des cultes et leur non-financement par l’Etat, l’interdiction de toute immixtion des religions et des groupes de pression… »

Le secrétaire général de la Ligue de l’enseignement Pierre-Yves Boutin ne se montre pas aussi catégorique. « Il est évident que la mobilisation après Charlie a été très forte et que le soufflé est retombé, argumente le membre du collectif Laïcité 86, fondé en 2009. En même temps, nous sommes en train de préparer des modules d’animation pour les maisons de quartier, une expo sur ce qui interpelle la laïcité en entreprise… Bref, les choses bougent quand même en dehors de l’Ecole ! »

Les 110 ans de la loi de 1905, le 5 décembre prochain, constitueront une nouvelle occasion de le démontrer. D’ailleurs, une série d’animations, rue de la Laïcité et square de la République, est prévue quatre jours plus tard. « Dans une société clivée, bloquée, il est nécessaire de trouver une voie médiane. Et cette voie, c’est la laïcité », assure Pierre-Yves Boutin. A relayer dans les écoles…

À lire aussi ...