Lola Martin, une question d'équilibre

Lola Martin. 31 ans. Urgentiste au CHU de Poitiers, médecin réserviste des armées et jeune maman. Déterminée et engagée. Convaincue qu’on est plus fort à plusieurs. S’applique à conjuguer sens, action et équilibre.

Claire Brugier

Le7.info

Repartir ? Sans une hésitation, mais pas tout de suite, pas quelques mois seulement après son retour de Djibouti. Pour sa première mission à l’étranger en tant que réserviste, le 
Dr Lola Martin s’est envolée fin février vers la base militaire aérienne de la petite République d’Afrique orientale. Pendant un mois, elle y a soigné « des militaires, des familles en longue durée installées là-bas pour deux ou trois ans, parfois des expatriés et très rarement des gens des ambassades ». Mais surtout, « j’ai rencontré des gens incroyables ! Les militaires ont de belles valeurs, ils ont un vrai esprit de corps, ils sont soudés ». En 3e déjà, Lola avait imaginé entrer à l’école des sous-officiers. « A l’époque, je ne connaissais pas l’Ecole de santé des Armées... » A défaut, elle a fait médecine, mais la 
« docteur junior » a intégré dès février 2023 la réserve du Service de santé des Armées en tant qu’interne des hôpitaux militaires. Puis, en janvier 2024, fraîchement diplômée, elle est devenue médecin des Armées. Depuis elle ne compte plus ses gardes à l’hôpital de Percy, à Clamart. 


En quête de sens

Le milieu hospitalier, Lola connaissait avant son externat à Tours et son internat à Poitiers. Née en région parisienne, « dans le neuf-deux », l’aînée de deux frères a grandi à Niort, et un peu à l’hôpital aussi. « J’étais au collège Fontanes mais on habitait à une vingtaine de kilomètres. Quand je finissais plus tôt, j’allais rejoindre ma mère, qui est infirmière, dans la salle de pause du bloc opératoire. J’y croisais tous ses collègues, infirmiers, chirurgiens, anesthésistes… Ils me proposaient toujours du sirop à la menthe et de piocher dans un énorme pot de Chupa Chups ! » 
De là à faire naître une vocation peut-être pas, mais rien de tel pour éclipser un mauvais premier souvenir d’hôpital, une banale histoire de grains de beauté dont l’intéressée sourit aujourd’hui. « Je ne me suis jamais posé la question des études d’infirmière car j’ai un tempérament à décider. Mais je voulais un métier qui ait du sens, savoir pourquoi je fais les choses. » Lola a presque naturellement choisi les urgences. « Surtout après l’attentat du Bataclan…, glisse-t-elle. Je me suis posé la question de la chirurgie, j’aimais être au bloc opératoire, mais aux urgences on voit beaucoup plus de cas atypiques, le pire comme le meilleur. C’est l’équivalent des faits divers de la presse, développe-t-elle. Les urgences, c’est le curatif tout de suite, sans les gros gestes de chirurgie. C’est le système de la récompense immédiate : les enfants ont la télé, moi j’ai mon métier ! » Son métier et les siens.
 « Mon rêve, petite, c’était d’avoir une famille », confie la maman d’une petite fille de 2 ans et demi, convaincue que « quand on a un équilibre entre vies personnelle et professionnelle, on soigne bien ». Et tant pis si elle n’a provisoirement plus le temps de faire du sport, de jouer aux jeux vidéo ou de lire des mangas. « Je me suis mise au tricot devant des séries, ça m’oblige à me poser », s’amuse-t-elle.


« Aux urgences, on est toujours en équipe. »

« Je me suis engagée dans la réserve pour pouvoir partir à l’étranger en mission et apprendre une médecine qu’on ne pratique pas au quotidien. Par ce biais, j’ai accès à la bibliothèque du Val-de-Grâce, à des formations, je côtoie des médecins qui ont des pratiques différentes. C’est très enrichissant. » A Djibouti, l’urgentiste a été confrontée à des cas de paludisme, de dengue, à des piqûres d’oursin ou de raie, lesquels, il est vrai, se font plus rares aux urgences poitevines… « J’y ai aussi découvert ce qu’était l’alcool frelaté », sourit la praticienne qui ne s’imagine pas travailler seule. « On est toujours plus fort à plusieurs. Or, aux urgences, on est toujours en équipe. » Idem dans l’armée. « C’est très transgénérationnel. Les gens viennent de partout en France. C’est comme un internat, ça crée des liens forts. » 


Des projets, toujours

Lola sait ce qu’elle veut et où elle va, depuis toujours. « Le métier d’urgentiste, c’est anticiper ! », justifie la jeune femme. Sous le polo bleu-blanc-rouge, le large dessin qui court de son poignet gauche à son épaule trahit la « fan de culture nippone ». Les pivoines arborent déjà des couleurs chaleureuses mais le serpent, lui, est juste dessiné. Attention, projet en cours ! 
« Ce sont des porte-bonheurexplique-t-elle. Je voulais depuis très longtemps un irezumi, un tatouage traditionnel japonais. » Alors peu importe que le professionnel le plus proche pratiquant le « tebori » se trouve à Louviers, en Normandie. Equilibre ne veut pas dire inertie. « J’ai besoin de projets et d’avoir des objectifs, c’est ce qui me transporte ! » Partir à Djibouti ou emménager dans une maison avec potager -c’est imminent-, même combat. « J’ai hâte !, s’exclame Lola. J’adore cuisiner, pas de jolis plats mais plutôt des recettes de grand-mère comme des tartes, des confitures, des compotes... Je veux donner ces saveurs à ma fille, lui transmettre ces savoir-faire. En grandissant, on ne se souvient pas des cadeaux de Noël mais des moments passés. »

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