La ville craint pour ses fonctionnaires

Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, c’est pour demain. A Poitiers, future ex-capitale régionale, beaucoup s’inquiètent d’une hémorragie de fonctionnaires d’Etat et territoriaux. Faut-il accorder du crédit à cette hypothèse ? Les chiffres démontrent le contraire.

Arnault Varanne

Le7.info

C’est la dernière rumeur en vogue sur le plateau. A moyen terme, cinq mille Poitevins feraient leurs valises en direction de Bordeaux, fusion des régions oblige. Ce chiffre engloberait des agents de la fonction publique d’Etat et territoriale, ainsi que leurs familles. Grotesque, répond en substance Jean-François Macaire, président de Poitou-Charentes pour quelques semaines encore. « Toutes ces insinuations sur le déclin de la ville et le départ massif de fonctionnaires n’ont aucun crédit ! » L’élu poitevin le dit et le répète sur tous les tons : à la Région, les sept cents personnels resteront rue de l’Ancienne Comédie. Un organigramme complet est d’ailleurs en cours d’élaboration, en lien avec Limoges et Bordeaux.


Dans la fonction publique d’Etat, les choses sont désormais limpides. Poitiers héberge « près d’un millier » de collaborateurs des services déconcentrés qui exercent des fonctions régionales (Préfecture, Draaf, Dreal, Direccte, DRJSCS, Drac et Sgar). Et seuls quelques-uns quitteront l’actuelle capitale régionale dans un premier temps. « Nous avons pris des engagements vis-à-vis des agents pour que cette réforme soit acceptable, atteste Benoît Bonnefoi, directeur de projet régional, chargé de piloter la réforme de l’organisation de l’État, sous l’autorité du préfet de la région Aquitaine, préfet préfigurateur. Mais il y a deux éléments à prendre en compte : le taux de mobilité spontané est de 6% par an et, d’ici 2018, 15% des agents de la grande région rempliront les conditions pour partir en retraite. » Sous-entendu : inutile d’enclencher un gigantesque jeu de chaises musicales, alors que la démographie permettra d’elle-même de réduire les effectifs en simultané dans les trois villes.

 

« Pas de statu quo »

 

« L’Etat compte là-dessus, acquiesce William Jacquillard, membre du comité régional de la CGT et du Ceser (*). En dehors de quelques cadres de la haute administration, les mouvements vers Bordeaux seront donc limités. » A deux mois et demi des Régionales, le sujet de la mobilité géographique et/ou fonctionnelle des agents est d’une sensibilité extrême. A fortiori dans un département qui comptait, au 31 décembre 2013, 45100 fonctionnaires, tous corps confondus (fonction publique d’Etat, territoriale et hospitalière). Reste que si tout change (une seule région), mais que rien ne change vraiment (maintien des effectifs), on ne voit pas bien à quoi servira cette réforme. « Il ne faut pas qu’elle confine au statu quo », insiste pourtant Benoît Bonnefoi, qui sait qu’il marche « sur une ligne de crête ».



De façon très concrète, comment imaginer que trois services de communication, autant de directions économiques, informatiques ou des ressources humaines continuent de fonctionner en parallèle ? Ce serait à l’évidence très difficile à expliquer aux contribuables, le moment venu. Car ce qui vaut dans un sens -peu de départs vers l’Aquitaine- vaut dans l’autre. Les fonctionnaires de l’Insee ou de la Dreal Aquitaine -Poitiers sera le siège régional- montreraient peu d’enthousiasme à l’idée de rejoindre le Poitou. Là même où il n’est pourtant « pas impossible que les effectifs soient renforcés », dixit M. Bonnefoi. Conclusion de cette équation à mille inconnues, Poitiers ne doit s’attendre, d’ici 2018, ni à une grande transhumance, ni à un statu quo. Dans une ville où la culture de l’emploi public est très forte, la mutation vers une logique de prospection renforcée des entreprises devient impérieuse. Hasard (sic) du calendrier, Alain Claeys a annoncé, en fin de semaine dernière, la création d’une direction du développement économique, de l’attractivité et de l’économie numérique. Simple coïncidence sans doute…

À lire aussi ...