Viens chez moi, j’habite chez mes parents

Selon une étude réalisée par la Fondation Abbé Pierre, 4,5 millions de jeunes majeurs sont aujourd’hui hébergés chez des membres de leur famille. Une réalité qui cache, bien souvent, des contraintes économiques.

Florie Doublet

Le7.info

La situation n’est que provisoire, mais pour Jean(*), elle semble s’éterniser... Depuis le mois d’octobre, ce jeune homme de 28 ans vit chez ses parents, après s’être séparé de sa compagne. « La maison lui appartenait. Bref, je n’ai pas eu d’autre solution que de retourner chez papa-maman, en rase campagne, raconte-t-il. Je n’ai qu’une hâte : partir. »
Comme Jean, 4,5 millions de majeurs vivent chez leurs parents ou grands-parents. Parmi eux, 1,3 million ont plus de 25 ans. Ces chiffres, révélés en novembre par la Fondation Abbé Pierre, montrent que « l’hébergement familial reste une solution mobilisée par de nombreux jeunes, notamment lorsqu’ils éprouvent des difficultés ponctuelles ».

Baptise Thelliez a vécu une mésaventure similaire à celle de Jean. Lui aussi, à la suite d’une rupture amoureuse, a eu le sentiment de « régresser ». « Je faisais le bilan et me démolissais tout seul : 28 ans, pas de boulot stable, en plein bilan de compétences, retour dans ma chambre d’ado qui n’a pas bougé depuis dix ans... Ce fut assez dur. » Ses moyens financiers ne lui ont pas laissé le choix. Pendant six mois, le Poitevin a dû reprendre certaines habitudes... Mes parents sont adorables, je n’ai simplement plus le même rythme de vie qu’eux, assure-t-il. Evidemment, ils ne m’empêchaient pas de sortir, mais je me sentais obligé de les prévenir ou de me justifier. Et ça, à 28 ans, tu le vis mal.»
 
Un sentiment d’échec?

Aline Guitton partage cet avis. La mère de famille a séjourné pendant neuf longs mois dans la maison de son enfance. « Le maître d’œuvre ayant pris énormément de retard dans la construction de notre pavillon, mon mari et moi ne pouvions pas assumer nos charges locatives et les frais intercalaires du prêt. » Malgré la bonne entente globale, difficile de passer à côté des petits conflits du quotidien. « Mes parents nous ont vraiment aidés et je les en remercie, mais nous avons tiré une leçon de cette expérience : les différentes générations ne sont pas faites pour vivre sous le même toit. » Pour 61% des 25-34 ans, ce « retour en arrière » peut être très « douloureux », dixit la Fondation Abbé Pierre. Heureusement pour Aline et Baptiste, l’épisode a connu un dénouement heureux. La mère de famille a finalement pu intégrer son « home, sweet home » et le jeune homme est en passe de vendre son ancienne maison. «Je vais débuter une nouvelle vie !»

Pour Marion(*), c’est tout l’inverse. Si elle ne trouve pas de stage rémunéré, cette étudiante en médiation culturelle de 26 ans devra regagner le cocon familial. « Même avec l’aide de bourses, je ne peux pas me payer de location. » Cette perspective ne l’enchante guère. « Je me sens adulte désormais. Je suis autonome, j’ai l’expérience de la vie de couple... Retourner chez les parents, ce serait, pour moi, synonyme d’échec. » D’après l’enquête « Logement », réalisée en 2013 par l’Insee, près de 3,3 millions de majeurs n’auraient pas les moyens financiers d’accéder à un logement indépendant.
 
(*) Les prénoms ont été modifiés à la demande des témoins.
 

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