Sébastien Papot, <br>chercheur d'avenir

Sébastien Papot. 46 ans. Chercheur à l’Institut de chimie des milieux et matériaux de l’université de Poitiers. Lauréat du Prix Pierre Fabre de l’innovation thérapeutique, à l’été 2014. Personnalité à part dans le monde de la recherche, ce père de famille poursuit sa quête des origines.

Arnault Varanne

Le7.info

C’est un fait, le futur angoisse des milliards de personnes sur cette planète. Parce que l’avenir charrie son lot d’incertitudes, il agit comme un puissant paralysant. A l’opposé de cette théorie, certains estiment que « l’ignorance est une source de joie et de création intenses ». Sébastien Papot appartient à cette seconde catégorie. Dès l’enfance, le chercheur s’est mis en quête d’une espèce de vérité après laquelle il court toujours. C’est « son moteur », sa « raison de se lever le matin ». Trente ans après ses premiers pas à l’IUT de Chimie de Niort, cet enthousiasme ne l’a pas quitté. « La recherche, c’est 90% d’échec et 10% de réussite. Quel bonheur quand on y arrive ! Et puis, comme disait Nietzsche, la valeur d'une chose réside parfois, non dans ce qu'on gagne en l'obtenant, mais dans ce qu'on paye pour l'acquérir, dans ce qu'elle coûte. »

Son débit de paroles atteint des sommets à l’heure d’évoquer ses travaux sur le ciblage d’agents anticancéreux. L’ancien lauréat du Prix Pierre Fabre de l’innovation thérapeutique en est persuadé, après dix ans d’efforts, « son » labo tient enfin une molécule prometteuse dans la lutte contre plusieurs formes de cancers. Hélas, la première phase d’essais sur l’homme coûte 550 000€. Une petite fortune dont l’Institut de chimie des milieux et matériaux de l’université de Poitiers ne dispose pas. « Les étudiants de Licence ont créé une association et lancé une campagne de financement participatif (*). C’est top ! En parallèle, une entreprise a acquis la licence du brevet. » Il évoque déjà un «business plan» susceptible d’alimenter la recherche fondamentale. Et l’université. Dans dix, quinze ans. Ou avant. 

« Quand ça s’arrêtera… »

A 46 ans, ce fils d’employée de la Camif et de banquier regarde devant avec un optimisme presque béat. « Quand ça s’arrêtera, j’aurai envie de continuer ! » Il considère son quotidien comme une aventure sans cesse renouvelée. « Comme un matin de Noël au pied du sapin, quand j’étais petit… » Longtemps, le gosse qu’il a été s’est contenté d’une vie à deux, sans filiation. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’ancien rugbyman de bon niveau reconnaît qu’il lui a « fallu du temps pour s’intéresser à lui-même ». Pour recréer une autre image de la famille, Gaspard (3 ans) et sa petite sœur de quatre mois ont donc fait irruption « assez tard » dans la galaxie Papot. A la quarantaine rugissante. 

« Moi qui suis fils de parents divorcés, il a fallu que je me sente capable de les aimer pour ce qu’ils étaient, pas pour y mettre quelque chose de moi. Cette quête-la est merveilleuse. » Dans une société presque sous « Prozac », son enthousiasme inextinguible et sa curiosité sur la vie sont autant de sources d’inspiration. Notamment pour ses disciples. « Si, sur cent étudiants en face de moi, dix deviennent optimistes, alors j’aurai gagné ! Quand on sera tous optimistes, on créera une société différente. » Ce fan de Nietzche, Gide, Camus ou Kundera veut « aller au bout de ses rêves ». Avec ses petits défauts : l’impatience, la précipitation, la détestation de l’échec ou… les coups de téléphone au volant. Avec le temps, il tente de se corriger. Mais il a surtout acquis la conviction que « la vérité » se trouvait au bout d’un long chemin parsemé d’embûches. En « homme libre », Sébastien Papot se fait même lyrique. « Il y a parfois des moments de fulgurance où on est en lien avec la vibration de l’univers tout entier. » Habité le chercheur poitevin ? Non, simplement heureux d’être là auprès de ses «formidables collaborateurs» et d’une famille aimante. Dans le Mythe de Sisyphe, Albert Camus écrivait ceci : « Créer, c’est aussi donner une forme à son destin… »

(*) therapeutic-impact.org

 

 

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