Le couac du divorce par consentement mutuel

La semaine dernière, les députés ont adopté l’une des mesures les plus contestées de la réforme pour une Justice du XXIe siècle : le divorce par consentement mutuel sans passage devant le juge. Les avocats et l’Udaf s’y opposent et devraient le faire savoir au garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, attendu vendredi à Poitiers.

Arnault Varanne

Le7.info

La pose de la première pierre de la cité judiciaire des Feuillants, en fin de semaine, tournera-t-elle vinaigre ? « Non, rassure Thomas Drouineau, nous sommes des gens bien élevés ! » Comme ses confrères et consoeurs, le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Poitiers ne cache pourtant son courroux vis-à-vis d’un amendement inclus dans la loi de modernisation de la Justice, portée par le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas.

Le divorce par consentement mutuel, sans passage devant le juge aux affaires familiales (JAF), est censé désengorger les tribunaux et simplifier la procédure. Le projet, adopté par l’Assemblée nationale, prévoit que chaque partie soit assistée d’un avocat et que l’accord trouvé soit entériné dans une étude notariale(*). Coût de l’enregistrement : 50€.

« Le juge est au divorce ce que le maire est au mariage, défend Me Drouineau. C’est le seul à même d’apprécier le consentement libre et éclairé des époux à se séparer. Contrairement à ce qu’on peut entendre ici ou là, il ne perd pas huit minutes en recevant les couples dans son bureau ! » Au-delà du changement de procédure, le conseil dénonce la distance « de plus en plus importante entre la justice et les justiciables ».

Même colère froide du côté des associations familiales, notamment en raison du manque de concertation. « La mesure est contraire aux intérêts de l’enfant et du parent le plus faible dans une procédure de divorce. Le juge est un garant impartial et indépendant », regrette Daniel Sauvêtre.

La peur du lendemain

Le président de l’Union départementale des associations familiales (Udaf) de la Vienne exhorte désormais les parlementaires de la Vienne à « s’opposer à cette nouvelle tentative de déjudiciarisation », rappelant que l’Unaf s’était déjà prononcée contre des projets similaires, en 2007 et 2013. Il pointe une autre dérive potentielle : que la voix de l’enfant ne soit plus entendue. Jusque-là, les JAF pouvaient demander à le recevoir. Avec le nouveau projet, ce sera aux enfants mineurs de réclamer un entretien au juge. « Vous croyez sérieusement que la démarche pourra venir d’eux ?, interroge Daniel Sauvêtre. Je crains que les situations ne s’enveniment a posteriori. »

En France, 56 000 divorces par consentement mutuel ont été prononcés l’année dernière. Ils représentent 54% des procédures. « Mais il faut rappeler que les avocats passent entre six mois et un an à préparer les accords en amont… », intervient Thomas Drouineau. Du côté des associations de médiation familiale, on souligne aussi l’importance du dialogue en amont. « Le libre choix des époux et l’intérêt supérieur de l’enfant sont essentiels, de même que la présence d’un tiers, reconnaît Véronique Chevalier, médiatrice pour Prism-Adsea. Après, je ne crois pas que la réforme changera beaucoup de choses. » Question de point de vue et de principe. Toutes les parties auront l’occasion de s’exprimer sans filtre devant M. Urvoas, attendu vendredi à Poitiers.

(*) Avec un délai de rétractation fixé à quinze jours.

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