Les notaires face à la loi Macron

En mai dernier, l’Autorité de la concurrence a présenté une carte d’installation des nouveaux notaires. Conséquence directe de la réforme des professions réglementées voulue par la loi Macron. Dans la Vienne, huit notaires en titre pourraient ouvrir leur office prochainement. Explications avec Me Guillaume Carré, responsable de la communication de la Chambre des notaires de la Vienne.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

Que dit la loi Macron ?

La réforme des professions réglementées de la loi Macron a pour but d’instaurer de la concurrence et ainsi de faire gagner du pouvoir d’achat aux Français. Cela se traduit par une augmentation de 20% du nombre de notaires libéraux d’ici à 2018, soit 1 650 nouvelles places. Autre nouveauté : une baisse des tarifs pratiqués, de l’ordre de 2,5%, comme l’a précisé le président des Notaires de France Pierre-Luc Vogel, lors d’une interview sur BFM Business en février dernier. Pour Me Guillaume Carré, responsable de la communication de la Chambre des notaires de la Vienne, « Emmanuel Macron a considéré que le secteur des professions réglementées était fermé et a donc décidé de libéraliser le marché ». « Le problème, c’est qu’il a appliqué les règles du business au droit, sans prendre en considération les particularités du travail des notaires. »

Que prévoit la carte de l’Autorité de la concurrence ?

En application de cette loi, l’Autorité de la concurrence a proposé aux ministres de la Justice et de l’Economie une carte d’implantation de nouveaux offices de notaires. « Cette carte vise à renforcer la proximité ou l’offre de services notariaux », précise l’Autorité. Huit installations sont ainsi prévues dans Grand Poitiers. « Malheureusement, cette carte ne tient pas compte de l’état du marché immobilier et des perspectives démographiques et économiques dans les villes, souligne Me Carré. Dans la Vienne, nous sommes déjà 55 notaires en titre (et treize salariés, dont quatre en attente de nomination). C’est comme si vous ouvriez huit grandes surfaces supplémentaires dans l’agglo, celles existantes auraient beaucoup de mal à survivre. »

Quels changements pour le consommateur ?

La loi offre au consommateur la possibilité de négocier jusqu’à 10% du montant des « frais » de notaire pour les transactions supérieures à 150 000€. Reste que l’idée que l’on se fait de ces frais est bien souvent erronée. Exemple avec la vente d’une maison valant 200 000€. Le notaire demande à son client une provision de 15 680€, un tarif fixé par l’Etat. De cette somme, il va déduire 12 390€ de taxes reversées à l’Etat et 410€ de débours (cadastre, géomètre, timbres...). Les honoraires du notaire s’élèvent donc à 2 880€. La remise accordée par le notaire ne pourra dépasser 201,55€. « Une broutille comparée au prix de vente ; sachant, qu’en même temps, l’Etat a augmenté ses droits d’enregistrement, c’est-à-dire les impôts à verser pour devenir propriétaire du bien que vous achetez, de 0,92 % du montant du prix, soit pour un prix de 200 000€, un impôt complémentaire de 1 840€ », selon Me Carré.

Quels risques pour la profession ?

Les notaires craignent une « Uberisation » du métier. « Les notaires en place vont se regrouper dans les agglomérations pour mieux se protéger, reprend Me Carré. En voulant créer de la concurrence, Macron aura finalement favorisé le monopole. Avant, nous pratiquions tous les mêmes tarifs, au même niveau de compétences, sur tout le territoire. L’installation de jeunes notaires inexpérimentés va fragiliser la profession. C’est une fausse bonne idée. Cela va se ressentir sur la qualité de la prestation notariale, son prix, risque d’encourager la sous-traitance à l’étranger et créer des déserts juridiques dans les campagnes alors même que l’on essaye de combattre ceux médicaux. » Affaire à suivre.


À lire aussi : L'édito de la semaine

À lire aussi ...