Emmaüs Maisoncelle : un printemps 
à la Ferme

Suite et fin de notre série sur la vie de la Ferme Emmaüs Maisoncelle, à Lusignan. Quatre résidents y sont désormais accompagnés et les premiers légumes poussent en pleine terre. Une aventure sociale et économique autant qu’un défi humain.

Arnault Varanne

Le7.info

Avec sa débroussailleuse solidement accrochée au torse, Wilfried troublerait presque la quiétude de Maisoncelle. A quelques mètres de là, Rodolphe (Le 7 n°598) fait beaucoup moins de bruit, accaparé à tuteurer les plants de tomate -400- sous serre. Youssef 
« donne » dans la confection de plants sous la grange cathédrale. Quant à Philippe, un mal de dos tenace le tient éloigné du terrain pour une semaine. Wilfried, c’est le dernier arrivé à Lusignan, en provenance du centre de détention de Châteaudun. Avant d’être transféré de la Guyane, le jeune homme de 
26 ans n’avait jamais mis un pied en métropole. « Ça fait du bien d’être ici, souffle-t-il. Ma mère a un terrain en Guyane et j’aime bien le travail de la terre. » 
Il veut laisser les « bêtises » derrière lui et a compris que 
« dans la vie, il vaut mieux travailler ». Alors le gaillard fauche les herbes hautes du domaine avec une belle énergie, avant d’aller donner un coup de main pour réparer les quelques fuites du système d’irrigation.

Ainsi va la vie à la Ferme Emmaüs Maisoncelle, où le printemps est synonyme d’éveil collectif. Salades, carottes, pommes de terre poussent tranquillement. Et une première récolte d’aillets, de fèves, d’oignons nouveaux, de salades et d’épinards, plantés à l’automne, a déjà régalé les voisins. 
« Pas du tout dans les échelles prévues au départ en raison de retards sur le montage des serres, l’irrigation..., tempère Bruno Vautherin. Mais on a quand même réussi à passer un partenariat avec le collège de Lusignan, le lycée de Venours, le restaurant d’insertion Ô Poirion à Saint-Sauvant. » Le Chaudron de Mélusine, un magasin de produits bio de Lusignan, figure aussi parmi les premiers clients de la ferme.

Cherche encadrant maraîcher

Si Emmaüs Maisoncelle connaît un démarrage diesel, c’est d’abord en raison du départ d’Antoine Leblanc, encadrant maraîcher recruté au printemps 2022. Depuis mars, l’association lui cherche un remplaçant. En attendant, Sandy a « pris la main » sur la gestion maraîchère au quotidien. La jeune femme, employée du chantier d’insertion, y a pris goût. Elle peut compter sur l’appui du chef de culture des Jardins de l’Eveil, au domaine de Malaguet, à Migné-Auxances. Julien Boulet vient une demi-journée tous les quinze jours. « Son expérience est vraiment précieuse, il guide un peu Sandy à distance », embraie le directeur. « En mode dégradé », la ferme avance quand même sur tous les fronts. Des travaux auront lieu à partir de l’été dans la résidence principale. Une chambre, des toilettes et une douche ont été rénovés à l’étage. Et d’ici quelques semaines, « on va s’attaquer à la mise aux normes des toilettes, de la cuisine et de la salle à manger ».

Car si une première sortie de résidence (Philippe) s’annonce à la rentrée de septembre, Emmaüs Maisoncelle devrait accueillir un nouveau détenu en fin de peine début juillet. Avec l’objectif d’être à sept résidents à la fin de l’année 2023. Wilfried, lui, a déjà coché la date du 17 octobre 2024 sur ses tablettes. D’ici là, son horizon devrait se dégager. Et celui de Bruno Vautherin, en dépit d’une première année sportive !
Lorsqu’il se retourne, l’ancien ingénieur aéronautique ne regrette rien de son engagement. Dans son bureau, un poster de l’abbé Pierre donne le « la ». 
Ces quelques mots de l’homme d’Eglise : « On n’est jamais heureux que dans le bonheur qu’on donne. Donner est recevoir. »

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