Damien Véron, aux yeux du monde

Damien Véron. 45 ans. Frère ainé de Tiphaine, disparue au Japon à l’été 2018. Mène un combat acharné pour la retrouver. Une persévérance à toute épreuve. Possède un sens aigu de la famille et de l’entraide.

Charlotte Cresson

Le7.info

Un jour de juillet 2018, la nouvelle a tout fracassé. Tiphaine, 36 ans, est portée disparue à Nikko, au Japon, où elle voyageait seule. Pas de corps, pas de trace, pas de réponse. Depuis, Damien Véron vit avec cette question : où est ma sœur ? Plus de sept ans après sa disparition, rendez-vous devant la fresque de l’artiste Rebeb, qui orne le 48, boulevard du Grand-Cerf, à Poitiers. Les yeux de Tiphaine, peints en nuances de gris croisent ceux de Damien, ému. « La voir me fait toujours quelque chose », confie-t-il. Avec le temps, un discret graffiti s’est ajouté à l’œuvre, comme un signe des années qui passent. 
« 2020, 2021… Peut-être 2022 ? » 
Damien sourit : « Je n’ai pas la mémoire des dates. » Difficile pour lui de se souvenir de l’année de réalisation de la fresque. Mais il n’a pas perdu la mémoire du combat. Chaque démarche menée pour retrouver Tiphaine est gravée en lui. 


Leader malgré lui

Damien est le grand frère de Tiphaine, Sibylle et Stanislas. Six ans seulement séparent l’aîné du benjamin. Une fratrie soudée autour de leur mère, Anne, après le départ du père. « Nous avons des contacts avec lui mais nous ne sommes pas très proches. » 
Tiphaine, « timide » se démarque très vite. « A côté, nous étions un peu « boum boum » ! » 
Damien quitte l’école à 
17 ans et travaille rapidement comme paysagiste. « A 26 ans, j’ai voulu passer mon bac et j’ai obtenu une équivalence. » S’en suivront un BTS et une licence pour « bosser dans le paysage ». 
Un parcours à rebours, fidèle à ce qu’il a toujours été, « en décalage avec tout le monde ». 
Comme sa sœur, Damien a le goût des voyages, sans avoir l’impression d’avoir beaucoup vadrouillé. Il enchaîne pourtant les destinations. Angleterre, Hollande, Équateur pour travailler… Et bien sûr le Japon, à huit reprises, pour chercher des réponses. Quand Tiphaine disparaît, il a 38 ans. « C’est particulièrement difficile pour ma mère. Je pense que c'est encore pire ne pas savoir ce qu'est devenu son enfant. Mais elle a quand même encore un peu d'espoir. » 


« Nos destins ont tous changé. »

Ne pas subir. C’est la décision que prend la fratrie lorsqu’elle se lance dans le combat d’une vie. Sibylle, journaliste, organise les première auditions. « Elle a eu un impact essentiel. Moi, j'ai suivi la dynamique et je suis devenu petit à petit le leader du combat en en faisant vraiment mon quotidien. » Du jour au lendemain, celui qui se destinait à une carrière de concepteur paysagiste doit se frotter aux arcanes juridiques, politiques et médiatiques. Il enchaîne les allers-retours au Japon, multiplie les démarches, ne lâche rien. « Nos destins ont tous changé. Le mien mais aussi celui de Sybille qui veut désormais devenir magistrate. » A force de se consacrer à cette quête, Damien a mis sa vie personnelle entre parenthèses. Aujourd’hui, et depuis huit mois, il commence à la construire aux côtés de 
Marie-Astrid. « On ne se rend pas compte de l’ampleur du combat. C’est colossal. » 


Un horizon élargi

S’il garde de solides amitiés au Japon, certains aspects lui restent en travers de la gorge. 
« On ne parle jamais du système judiciaire archaïque du Japon dont les premières victimes sont toujours les femmes. La France, elle, a été à la hauteur mais pas les acteurs en charge de l’enquête et ceux qui auraient pu faire basculer les choses. C’est plutôt ça qui m’exaspère. » Aujourd’hui, le concepteur paysagiste met peu à peu son activité de côté afin de se consacrer pleinement à son association Antred 
(Association nationale Tiphaine pour la recherche des disparus à l’étranger). Une structure destinée à épauler les familles frappées par la même violence : 
l’absence. « On ne peut pas faire comme si de rien n'était et laisser des familles complètement démunies comme nous l’avons été », justifie-t-il. En juillet dernier, Damien et sa compagne sont retournés au Japon pour un voyage qui devait être le dernier. Mais de nouveaux rebondissements ont relancé le combat de celui qui ne peut pas encore faire son deuil. « On a envie de la retrouver mais je pense qu'on est prêt à le faire... C'est le problème de la disparition, pour faire son deuil il faut un corps, des réponses concrètes. Mais pour l'instant, l'enquête n'est pas terminée, on a des suspects, on se dit qu'on va continuer. » Damien croit en une pétition de la dernière chance, destinée à interpeller Emmanuel Macron et, peut-être enfin, faire bouger les choses. L’entretien se conclut à l’endroit où il a commencé :
sous le regard de Tiphaine. Une fresque réalisée en quelle année ? 2021 bien sûr.

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