La science, fragile 
fondement de la démocratie

Aux Etats-Unis, la science est devenue une cible de l’administration Trump. Avec quels impacts sur la démocratie ? L’Europe est-elle un modèle ? Le sujet fera l’objet d’une table ronde le 18 novembre à l’Espace Mendès-France.

Charlotte Cresson

Le7.info

« Changement climatique », 
« Femme », « Santé mentale », etc. Le 7 mars dernier, Le New York Times a publié une liste de 200 mots bannis par l’administration Trump aux Etats-Unis. Une campagne de censure qui se poursuit depuis avec de nouveaux mots venus étoffer la liste début octobre. En réécrivant le dictionnaire, Donald Trump s’attaque au vocabulaire et prend aussi, et plus largement, la science pour cible. « Cela se caractérise par une diminution des budgets alloués à la recherche, de la censure ou encore des pressions idéologiques. Des mesures finalement proches de celles d’un régime autoritaire », déplore Bernadette Bensaude-Vincent, philosophe et historienne des sciences, professeure émérite à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Inquiète, l’universitaire n’a en effet pas peur des mots pour décrire la situation. « Je pense que cela va au-delà de ce qui s’est passé en URSS ou même sous le régime nazi. Les Nazis ont instrumentalisé la science pour servir leur idéologie. Trump, lui, veut démolir l’élite scientifique, pas l’inféoder à son projet. » 


Au-delà des Etats-Unis

Plus inquiétant, pour la philosophe, cette crise dépasse largement le cas américain. 
« Depuis 2000, à peu près, l’autorité des experts perd de sa valeur. » Ils ont pourtant un rôle essentiel : celui de « dire le vrai au pouvoir ». « Il y a un contrat tacite entre les Etats et les chercheurs. Dans les démocraties, ce contrat est généralement respecté. Mais les décideurs politiques ne suivent pas toujours les avis d’experts à cause de pressions ou encore de l’influence des lobbys », indique la philosophe. Résultat : 
un affaiblissement collectif de la confiance où la science, censée être « l’un des fondements de la démocratie, devient suspecte ». Face à cela, l’Europe est souvent présentée comme le bastion de la rationalité. La science y apparaît pourtant comme un pouvoir parmi d’autres. « Depuis l’agenda de Lisbonne, l’Union européenne cherche à soumettre la recherche et l’innovation aux impératifs économiques. » Et si certains parlent de « contre-
attaque de l’Europe » face aux dérives de Trump, Bernadette Bensaude-Vincent est plus nuancée. « Il y a des ripostes mais je ne crois pas qu’il y ait de véritable contre-attaque. Il faudrait repenser le régime actuel de la recherche. L’Europe n’est pas un modèle, elle a marchandisé la connaissance, même si elle affiche encore certaines valeurs. » Le 18 novembre, à l’Espace Mendès-France, la philosophe et trois autres scientifiques tenteront d’analyser les mécanismes et les impacts de l’administration Trump. L’occasion de remettre la science au cœur du débat public.


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