Aux Couronneries, un an après la mort d’Anis

Le 31 octobre 2024, un ado de 15 ans était mortellement touché par un dealer place Coimbra, aux Couronneries, à Poitiers. Une victime collatérale du trafic de drogue... qui n’a pas disparu dans le quartier.

Arnault Varanne

Le7.info

Un an bientôt. Le soir d’Halloween 2024, les Couronneries ont perdu l’un des leurs : 
Anis, 15 ans, élève au lycée Saint-Jacques-de-Compostelle, footballeur de bon niveau. Ce soir-là, l’adolescent se trouve devant l’Otentik, place de Coimbra, après avoir acheté un sandwich. Un homme ouvre le feu, il est blessé à la tête et transporté en urgence absolue vers le CHU de Poitiers, il y décèdera deux jours plus tard. Quatre de ses copains ont été blessés plus légèrement. Le principal suspect du meurtre d’Anis s’est rendu le 5 novembre 2024, à Paris, avant d’être transféré vers Poitiers pour y être entendu. Il s’agit d’un homme originaire de Marseille, déjà condamné pour trafic de stupéfiants et détention d’armes (Le 7 n°663).

« Tout le monde sait, 
tout le monde voit »

De cette terrible soirée du 
31 octobre 2024, on retiendra évidemment le drame de la mort d’un adolescent, mais aussi la sortie de l’ex-ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, évoquant « plusieurs centaines de personnes impliquées, une rixe... » Qu’en reste-t-il un an après ? « Les familles pensent que cette place n’est plus trop fréquentable. La fréquentation a un peu baissé, oui », estime un salarié de L’Otentik. Le sentiment d’impuissance est identique chez Wajih Ayed, patron du restaurant Pac Miam et aux premières loges il y a un an. 
« J’ai entendu des coups de feu et vu le jeune homme à terre. Il venait régulièrement chez moi, il était poli... Ce qui a changé depuis un an ? Rien. Tout le monde sait, tout le monde voit. »

« Un vrai sujet 
sur les stupéfiants »

Wajih Ayed fait directement référence au trafic de drogue qui se poursuit, avec « un sentiment de peur » diffus. « Moi, je suis arrivé il y a sept ans et je suis persuadé que c’est une place à fort potentiel. Mais pour ça, il faut une volonté politique, que la police fasse son travail. » Mounir Choukchou en appelle aussi aux pouvoirs publics pour éradiquer le trafic. « Venez à 21h, vous allez vite comprendre. Je ne suis pas à l’aise quand je travaille un peu tard et que je dois aller chercher à manger, témoigne le dirigeant de Medicalife. Les émeutes et la mort d’Anis font que beaucoup de personnes âgées ne viennent plus aux Couronneries. Le trafic a baissé de 10 à 15% chez nous, de 20% ailleurs. » Le quartier bénéficie pourtant d’une opération de renouvellement urbain depuis 2021. Mais la pâtisserie Le Trianon attend toujours un repreneur, deux banques vont s’en aller... Au grand dam des commerçants, qui considèrent que la réouverture du commissariat de quartier en juillet n’a 
« rien changé ». « Le quartier se renouvelle mais les problèmes demeurent, glisse Aziz Masrour, animateur depuis trente ans au centre d’animation des Couronneries. On a beaucoup d’idées pour la jeunesse mais pas assez de réalisations. A mon échelle, j’accompagne les jeunes pour trouver un boulot, un stage... Tout le monde doit prendre sa part. » « Il y a un vrai sujet sur les stupéfiants dans le département, reconnaissait la procureure de la République Rachel Bray lors d’un récent échange avec la presse. Il y a des signaux encore à donner. »

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