Véronique Dupin a perdu son mari Michel en 2018. La Chauvinoise et ses quatre enfants ont accepté de donner ses organes. La cadre de l’Education nationale a contribué récemment à un groupe de réflexion sur l'accompagnement des familles de donneurs.
Du drame de la mort...
Michel Dupin avait 53 ans, était un cycliste émérite, licencié à l’US Chauvigny. Il a été fauché par une voiture au retour d’une sortie VTT, le 19 août 2018.
« Quand j'ai ouvert la porte ce jour-là, j'avais en face de moi deux gendarmes et un officier d'état civil, J’ai tout de suite compris qu'il y avait quelque chose de grave, mais je n'ai pas du tout pensé à mon mari au départ, comme s'il était invincible, mais à mon deuxième fils qui n’était pas à la maison »,
témoigne Véronique Dupin, encore submergée par l’émotion. S’en est suivi un mois et demi d’hospitalisation en soins intensifs, au CHU de Poitiers.
« Le corps médical a œuvré pour essayer de faire le nécessaire, en sachant bien que ce n'était pas l'heure de mourir, a fortiori quand on est papa de quatre enfants. On y est allé tous les jours, on l'a accompagné au maximum, mais il est arrivé un moment... Il n’y avait pas d’issue. » C’était le 1er octobre 2018.
... à l’évidence de donner
Véronique Dupin et ses quatre enfants (Clément, 22 ans à l’époque, Simon, 19 ans, Lise et Emma, 15 ans) ont vécu
« un véritable tsunami ». « Vous êtes tellement dans le mal, la douleur est si profonde que vous ne pouvez pas réfléchir... » Le don d’organes ? Il s’est imposé « comme une évidence car nous en avions parlé à bâtons rompus librement à la maison. La décision s’est prise à l’unanimité et sans ambiguïté, précise l’adjointe au Dasen des Deux-Sèvres. En plus, mon mari était en très bonne santé, avait une hygiène de vie irréprochable et donc des organes sains. »
« On ne fait
jamais son deuil, on vit avec. »
« Vous ne touchez pas
à ses yeux »
« La seule question, à l’époque, a été sur le don de tissus. Quand le corps médical a commencé à évoquer la cornée, j’ai dit non, vous ne touchez pas à ses yeux. Pour moi, c’était symbolique, je ne voulais pas... » Véronique s’est finalement laissée convaincre par ses enfants. Les reins et la cornée de son époux vivent dans d’autres corps. Une fierté ? Même pas. « Je n'ai aucun sentiment de fierté, je n'attends rien. Je suis profondément attachée à ce que peut faire la science et la médecine pour l'Homme. Nous l’avons fait dans un souci de partage et d’aide. »
Témoigner pour sensibiliser
« Je sais combien le don révolutionne la vie de personnes greffées, combien cela améliore leur quotidien. Je suis pleinement attachée à cela », avance la mère de famille de 53 ans. Même s’il faut « beaucoup de temps pour se reconstruire », Véronique a choisi de prendre la parole dans l’espace public. D’abord à l’occasion d’un ciné-
débat dans sa ville, à Chauvigny.
« Un ami greffé m’a tendu une perche. En entendant les débats et la méconnaissance du grand public, je me suis dit que je ne pouvais pas laisser dire ça. » Véronique évoque « un moment violent, très douloureux », mais salutaire. « Il faut que les expériences soient partagées pour que les gens s'en emparent et comprennent la nécessité, l'utilité de donner. Les émotions touchent. » Et puis, ajoute-t-elle, « si un jour, un membre de ma famille ou moi-même avions besoin d’un don, j'apprécierais très certainement le geste du donneur ».
Un rôle d’ambassadrice
Avec France Adot, Véronique Dupin a participé le 10 octobre, à l’Agence de Biomédecine, à Paris, à la mise en place d’un groupe national de réflexion sur l'accompagnement des familles de donneurs. Une démarche inédite. « Si je peux contribuer à faire évoluer les choses... » Véronique l’admet sans ambages : « Peut-être que j'ai besoin de ce groupe de travail pour continuer à avancer. Parce que vous savez, on ne fait jamais son deuil, on vit avec. » Hasard ou pas, trois de ses quatre enfants ont choisi d’exercer un métier du soin. « Clément est ostéopathe et ses deux sœurs vont devenir chirurgienne-dentiste et sage-femme. » Leur mère, elle, s’est « réfugiée dans le travail ». Pour oublier ce jour funeste du
19 août 2018.