Anne Jordan. 45 ans. Limougeaude de naissance. Poitevine d’adoption. Cofondatrice de la société Méscènes Productions. S’est rêvée commissaire-priseur, a finalement obtenu son diplôme en droit notarial. Voyageuse au long cours et maman de deux enfants.
Elle a lancé la semaine dernière mecenus.com avec un peu de fébrilité mais beaucoup d’enthousiasme. Une plateforme
« privée mais d’intérêt général » de mise en relation entre de généreux donateurs et des « causes »
qui en valent la peine, dans les domaines culturel, social, la défense des droits, l’éducation, le sport... L’aboutissement d’un travail de titan, sanctionné de
« quelques nuits blanches ».
« On est tous mécènes !, sourit Anne Jordan. L’idée est de rendre ce geste accessible à n’importe qui. Ça commence à 1€... » La co-fondatrice de Méscènes Production, 45 ans au compteur de la vie, a longtemps cherché sa voie, celle qui allie passion de la chose culturelle et rigueur du droit, son cursus initial. Jusqu’à créer son entreprise. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.
« Comme une
introspection »
A l’adolescence, la fille de cadre supérieur à l’hôpital et de chef d’entreprise à l’export s’est imaginée commissaire-priseur. Son master en droit des affaires et sa licence en histoire de l’art auraient pu, dû la conduire à marcher dans les pas de Cornet de Saint-Cyr. Recalée à l’oral !
« J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, et en même temps je me suis aperçue que j’avais un peu fantasmé le métier. » Entre-temps, la Limougeaude-fière-de-l’être s’était essayée à... l’ébénisterie en décrochant son CAP « avec 10,004 de moyenne je crois » via les Compagnons du Tour de France. « C’est presque le diplôme dont je suis la plus fière », confie Anne. Quelques rudiments du métier demeurent. De la même manière qu’elle pourrait tout à fait assurer le service dans un bar. Comme ce fut le cas lors d’un break animé d’un an à Londres, quartier de Camden Town.
D’une manière générale, la Poitevine d’adoption n’a jamais eu peur de la mobilité, ni professionnelle, encore moins géographique. Avant de se laisser tenter par un master de droit en notariat, elle s’est offert avec une amie un tour du monde de six mois et treize pays. « Ça m’a aidée à me trouver, comme une introspection, devise-t-elle. Vous apprenez la démerde, vous dormez dans des voitures, sous des tentes... J’ai eu l’impression de retrouver davantage mon instinct de survie. » Et son instinct, justement, lui a commandé de ne pas embrasser une carrière... de notaire. Une perspective un peu trop fade à son goût. Nouveau break d’un an « avec [son] mari chercheur au CNRS »
et sa fille d’1 an. Direction Sao José Dos Campos (Brésil) et les joies de la création d’entreprise, même modeste. « Avec une autre expatriée », Anne a co-fondé la marque Les petites françaises, fournisseur de galettes et gâteaux à la sauce tricolore.
« Autant à Paris on aime les
profils comme
les miens, autant ici c’est plus
compliqué ! »
Nouvel examen de conscience au retour d’Amérique du Sud. La globe-trotteuse s’est tournée vers un master histoire de l’art, patrimoine et musées. Une corde de plus à son arc, une « bizarrerie » supplémentaire sur un CV déjà bien fourni.
« Autant à Paris on aime les profils comme les miens, autant ici c’est plus compliqué !
Mes parents m’ont toujours dit :
On a le droit de se tromper, de changer, mais on va toujours au bout des choses. »
L’Orchestre des Champs-Elysées a fini par lui ouvrir ses portes, comme responsable du mécénat et des partenariats. On en revient au mécénat... Dans quelques semaines, la co-directrice de Méscènes Productions s’envolera vers les Emirats arabes unis, lauréate d’un appel à projets de l’Institut français et Business France.
« Je passerai douze jours là-bas en immersion pour essayer de voir, à terme, comment mettre en place une plateforme, créer des passerelles avec ce pays. »
Même démarche du côté de l’Australie début 2025, vers les Etats-Unis... selon le principe du battement d’aile du papillon. Ce qui n’est pas incompatible avec des engagements locaux, comme auprès du restaurant de L’Eveil (en danger), ou du Groloto de la Ligue contre le cancer.
« Aller de l’avant »
« Pugnace et honnête », la Poitevine d’adoption croit en son projet, à une forme d’altruirisme. C’est son tempérament, presque un atavisme. « De chaque échec, il faut tirer du positif, rebondir, aller de l’avant. »
La maman de Fantine (13 ans) et Dorian (7 ans) parle d’expérience. Elle a appris à déployer des filtres pour ne pas déprimer face à la marche chaotique du monde. « A la maison, nous n’avons pas de télé, on regarde des films et des émissions en replay. C’est difficile de s’informer, d’avoir un avis le plus juste possible et le transmettre à ses enfants. » Anne ne veut pas se laisser enfermer « dans un microcosme guidé par les algorithmes ». Alors pour déconnecter, elle lit -Entre toutes, de Franck Bouysse-, va au cinéma, au théâtre. Succombe à ses premières amours, au fond. Et si la médiation culturelle et le mécénat n’étaient que les deux faces d’une même pièce ?