A travers une série de portraits, Le 7 donne la parole à une génération qui construit le présent et imagine le futur. Entre doutes, convictions et espoirs, ils racontent comment ils s’engagent 
aujourd’hui 
pour préparer 
le monde de demain.

Pierre Bujeau

Le7.info

Le projet dont tu es 
le plus fier ?
« Avoir repris la ferme familiale, à Vicq-sur-Gartempe. C’est une vraie fierté de poursuivre ce que mon père et mon grand-père ont construit. Aujourd’hui, avec les conditions dans lesquelles on travaille, ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir reprendre une exploitation. »

Comment imagines-tu ta vie dans 30 ans ? 
« J’ai envie de répondre agriculteur, mais cela dépendra des politiques et de leurs nouvelles normes. On nous fait des promesses sans les tenir, c’est difficile de se projeter. Je vis pour mes trois cents bêtes. Devenir paysan a toujours été une évidence pour moi. Ce n’est pas demain que ça changera. »

Et la société dans 30 ans ?
« La technologie me fait peur. On se dirige vers des machines totalement autonomes, ce n’est pas ma vision du métier. Derrière cela, il y a aussi l’expansion des grands propriétaires agricoles. Les petites exploitations comme la nôtre ne sont plus encouragées. Je me battrai pour préserver la paysannerie, mais beaucoup d’agriculteurs songent à céder leurs terres. Ça m’inquiète. »

« La technologie 
me fait peur. »

Qu’est-ce qui te révolte ? 
« Le manque de considération des politiques. Ils promettent, discutent avec nous, mais rien ne change. On a l’impression qu’ils ne nous écoutent pas, voire qu’ils ne veulent plus de paysans français. Les accords de libre-échange et la concurrence déloyale qui en découle, ça nous détruit, et c’est pourtant permis par nos dirigeants. »

Comment tu t’engages 
pour changer les choses ? 
« On se rassemble pour que notre voix pèse. J’ai rejoint la Coordination Rurale, qui défend vraiment les éleveurs. C’est dommage d’en arriver là, mais sans pression, rien ne bouge. Ça passe par des blocages de coopératives, d’autoroutes… On passe pour les « casse-pieds », mais ce qu’on veut, c’est être entendus. Et ce n’est pas quelques CRS devant la préfecture de la Vienne qui vont nous calmer. On n’est pas des hors-la-loi, on est juste à bout de nerfs. »

Quelle place occupe l’écologie dans ton quotidien ?
« Certains choix me dépassent. À Vicq-sur-Gartempe, ils ont installé des pistes cyclables alors qu’il y a un vélo par jour. En ville, d’accord, mais ici ça n’a pas de sens. Puis on nous reproche que nos tracteurs polluent, que nos vaches polluent, que nos traitements polluent. Bien sûr, tout geste a un impact, mais qu’est-ce qu’on fait alors ? On arrête tout ? »

Quand tu regardes l’actualité, ça t’inspire quoi ? 
« J’essaie de m’informer, mais je trouve qu’on nous raconte pas mal de salades dans les médias. Ça m’inspire surtout de la méfiance. Autour de moi, beaucoup ont arrêté de suivre l’actualité parce qu’ils en ont assez des discours politiques. Mes amis ne regardent plus la politique, ils prennent les choses comme elles viennent. Moi, j’essaie de rester connecté au monde, ça me permet aussi de décrocher un peu de l’agriculture. »

Qu’est-ce qui te donne 
de l’espoir ? 
« L’amour du métier d’abord. Et puis l’entraide entre paysans est aussi primordiale, on est soudés, on se remonte le moral quand il y a des jours sans. Je crois que l’agriculture va retrouver de la valeur aux yeux du public. Je vois de plus en plus de jeunes qui s’installent sans être issus du milieu paysan. Ça, ça me redonne espoir. »

Quel message adresser 
aux générations à venir ?
« Ne devenez jamais agriculteur ! (rires) Plus sérieusement, intéressez-vous à ce que vous mettez dans votre assiette et soutenez les agriculteurs près de chez vous. Acheter local, c’est un bon réflexe. Et puis, au marché, toutes les générations se croisent : on discute, on échange avec les anciens… et je crois qu’on a encore beaucoup à apprendre de nos aînés. »

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