Des barreaux aux fourneaux

Quelques détenues du centre pénitentiaire de Vivonne profitent, tous les quinze jours, de cours de cuisine prodigués par leur professeur, Bruno Neveu.

Antoine Decourt

Le7.info

La différence entre une cuisine de particulier et celle du quartier des femmes du centre pénitentiaire de Vivonne ?  Les couteaux ! Le contexte, il est vrai, se prête à la prudence. Ici, les seuls ustensiles acceptés sont ceux de la  cantine. Autant dire que le bout est rond et d’apparence inoffensive. Pour les douze «pensionnaires» du centre de  détention pour femmes, il est un compagnon du quotidien. Eplucher les pommes de terre au couteau à beurre ?  Elles connaissent et n’y voient aucun inconvénient. Ce serait même un plaisir.

La corvée des uns est leur bouffée d’oxygène à elle. Tous les quinze jours, le Poitevin Bruno Neveu, membre de l’Académie culinaire de France,  s’affranchit des multiples sas du centre pour venir à leur rencontre. Ce matin, elles sont cinq « longue peine » à guetter son arrivée. Pour rien au monde, elles ne louperaient la leçon du maître queux. «Quand nous sommes arrivées ici, l’administration nous a demandé ce que nous souhaitions faire », explique Laurence (*). Depuis, deux  fois par mois, la cuisine est leur évasion. Concevoir pour bien manger ? Une évidence pour Angela et ses soeurs ! « Vous voulez voir nos gamelles ? », apostrophet- elle. Du groupe de douze, trois sont résolument attachées aux fourneaux. L’instant des retrouvailles avec Bruno est sacré, la complicité belle à voir. Attentives aux conseils, les filles ne chôment pas. Et en redemandent : « Deux heures tous les quinze jours, c’est trop peu ! »

Du chocolat pour Noël


Les minutes filent. L’une monte la crème pâtissière, une autre se colle à l’épluchage. Les tâches se répartissent  naturellement. Les deux heures sont bientôt écoulées. Le repas du midi arrive. L’odeur qui émane du couloir n’est pas véritablement alléchante. A l’inverse, le four de « leur » cuisine embaume. Las, le cours est fini. Ici, les horaires sont stricts. Bruno Neveu distille ses dernières recommandations. Ces dames se remettront à la tâche dans l’après-midi. «Bruno, on fera quelque chose de particulier pour les fêtes ? », lance Nina. « Vous n’aviez pas demandé à cuisiner des gambas ? », répond le chef. Les portes du pénitencier vont bientôt se refermer. En bon Père Noël, saint Bruno distribue un dernier cadeau. « Allez, pour l’occasion, je vous ferai des chocolats ! » Rien que pour elles.

(*) Les prénoms ont été changés.

À lire aussi ...