La pratique avancée pas à pas

La Vienne ne compte qu’une poignée d’infirmiers et infirmières en pratique avancée. Malgré un contexte de désertification médicale inquiétant, ce nouveau métier suscite les réticences d’autres professionnels de santé.

Claire Brugier

Le7.info

IPA. Le sigle est encore peu connu du grand public, souvent méconnu dans le monde médical. Pourtant, avec des perspectives à dix ans faisant craindre une pénurie de médecins et un vieillissement de la population qui accroît les maladie chroniques, l’arrivée d’infirmières et infirmiers en pratique avancée pourrait permettre de regarder l’avenir avec un peu plus de sérénité. Il ne s’agit évidemment pas de remplacer les médecins mais de collaborer avec eux pour une meilleure prise en charge des patients.

Actuellement, le département compte moins d’une demi-douzaine d’IPA. « Nous posons les bases d’une nouvelle profession », constate Aurélie Rouffy, première infirmière libérale de la Vienne diplômée en pratique avancée. Objectif : développer un regard clinique sur le patient pour être en mesure d’adapter ou modifier un traitement. Donc de prescrire, ce qu’une infirmière « classique » ne peut pas faire. La pratique est très encadrée. 
« Nous travaillons dans le cadre d’un protocole d’organisation », précise Maud Bréchet, IPA en oncohématologie au CHU, sur les sites de Poitiers et Châtellerault. Etabli entre le médecin et l’IPA, le document liste les pathologies que l’IPA peut traiter, à condition que les patients ne soient pas en phase aiguë. « Nous rentrons vraiment dans le cadre d’un suivi de prise en charge. Par exemple, en oncohématologie, je peux modifier la posologie d’un médicament, prescrire un examen sanguin, une radiologie… Tout ce qui se rapporte à la maladie pour laquelle je suis la personne. Mais le médecin reste décisionnaire dans les choix thérapeutiques de son patient. »

Prise en charge améliorée

Le praticien continue à recevoir son patient, en alternance avec l’IPA, ce qui lui permet d’alléger son emploi du temps quotidien et offre au patient davantage de temps médical. Une consultation d’IPA dure 45 minutes, contre 17-18 minutes en moyenne pour un médecin. « Le temps d’écoute est plus important, ce qui permet de porter un regard global sur le patient », souligne Maud Bréchet. « La qualité de la prise en charge est clairement améliorée », complète Aurélie Rouffy, qui travaille de concert avec le Dr Aurore Pêcheur, au sein de la Maison de santé d’Adriers. « Heureusement, des médecins ont compris l’intérêt de travailler ensemble, mais beaucoup d’autres ont peur. » 
Peur de voir leur patientèle fondre, peur d’une médecine au rabais, peur de voir la frontière médecin-infirmière s’effriter… Des réticences montent aussi des pharmacies. « Il faut qu’on bataille pour justifier qui on est, ce qu’on fait et pourquoi on est là », déplore Aurélie Rouffy qui, malgré les freins, ne regrette pas son choix. « Cela permet enfin aux infirmières d’évoluer dans leurs parcours et pratiques professionnels. » Seul bémol : sans aide financière, difficile pour une infirmière libérale de mettre en suspens son activité pendant deux ans, même si une formation a ouvert en septembre dernier à la faculté de médecine de Poitiers.

Crédit : CHU de Poitiers.

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