Cédric Enard, jamais sans son équipe

Cédric Enard. 46 ans. Né à Poitiers. Ex-joueur professionnel de volley, désormais entraîneur à la tête de l’effectif pro du Berlin Recycling Volley, où sa famille l’a suivi, et dernièrement de la sélection croate. Ne s’épanouit que dans le collectif, dans le privé comme avec ses équipes. Signe particulier : très exigeant.

Steve Henot

Le7.info

Sur le bord du terrain, Giorgio Berlière écoute, le dos tourné aux tribunes du gymnase des Maillots, d’une oreille indiscrète. L’entraîneur du Vouillé Volley-ball finit par lancer à son ancien poulain, avec malice : « Tu racontes ta vie ? » Cédric Enard acquiesce dans un franc sourire. Au début du mois, l’entraîneur du Berlin Recycling Volley était de passage sur les terres de son enfance. De solides racines, malgré toutes ces années loin de la Vienne. « J’y suis hyper-attaché. C’est là où tout a commencé, dit-il. J’expliquais à mes filles que, gamins, on n’était pas sur les tablettes, mais tout le temps dehors sur les stades de foot, les courts de tennis, à la piscine… L’été, on organisait nos Jeux olympiques de Vouillé avec les copains. »


Le jeune Cédric a goûté à plusieurs disciplines en club, à chaque fois avec appétit. 
« Ma mère a toujours donné une importance au sport dans notre éducation, se souvient le Poitevin. Elle assumait tous les déplacements pour les entraînements, les matchs. Elle a été très importante dans notre vie sportive, à mon frère, ma sœur et moi. » Lui s’est surtout adonné au rugby pendant sept ans, dans le sillage d’un père mordu d’ovalie. Et puis, l’accident de parcours. 
« Une année, il n’y avait pas assez de jeunes pour faire une équipe. Plutôt que d’aller m’entraîner avec les seniors, mon père voulait que je fasse autre chose pendant un an, avant de revenir. » Un soir, père et fils se rendent à Lawson-Body. Une révélation pour Cédric, alors âgé de 14 ans. « Quand j’ai vu l’ambiance, je me suis dit : 
« C’est quoi ce truc de malades ? »
En sortant de la salle, j’étais sûr que c’était le sport que je voulais faire. » Le gaillard -1,97 m sous la toise- ne reviendra plus au rugby.


Reconversion précipitée

Licencié au Stade poitevin volley, il suit une progression linéaire, des équipes de jeunes aux premiers entraînements avec l’équipe Une. Aspirant pro, il vit le premier titre de champion de France du club en 1999, avant de rallier Avignon avec qui il remporte la Pro B dès son arrivée. Sa carrière de joueur s’arrête brutalement à ses 28 ans, en raison d’une malformation dans la mœlle épinière qui lui occasionne d’intenses douleurs dans le bras et l’épaule. 
« Le chirurgien m’a dit qu’il fallait arrêter. J’étais effondré. Dépression. Très mauvais épisode de ma vie, le pire. A cet âge, tu te sens fort, invincible. Et là, tu redescends. »


Cette épreuve précipite Cédric Enard vers le métier d’entraîneur. Toulouse, son dernier club comme joueur, l’accompagne dans sa reconversion et lui confie la responsabilité du centre de formation, en plus du poste d’adjoint de l’équipe première. Il devient entraîneur principal six ans plus tard. « Je leur serai éternellement reconnaissant de m’avoir mis le pied à l’étrier. » Sur le bord du terrain, le Poitevin a retrouvé le plaisir de l’effort collectif, sa quête de toujours. 
« Hormis la naissance de nos filles, il n’y a pas beaucoup de choses qui peuvent être supérieures. Cette notion de sacrifice, de tout faire pour essayer d’atteindre un résultat... Le chemin est tellement long et difficile que c’est là que tu puises tout l’intérêt du métier. Travailler en équipe a toujours été mon moteur. »


Se rapprocher 
de ses racines

L’éclosion des Bleus Antoine Brizard, Yacine Louati, Trevor Clévenot et Barthélémy Chinenyeze, il la savoure comme telle. Le fruit de plusieurs années de travail, à Toulouse puis en équipe de France, où il a été adjoint de Laurent Tillie entre 2017 et 2019. S’il se reconnaît volontiers « casse-couilles » avec ses ouailles, le coach de 46 ans n’est pas près de renier son exigence. « Je me suis toujours imposé ça à moi-même, déjà à l’école. En tant qu’entraîneur, ça peut être pénible pour mes joueurs car je leur demande beaucoup. Mais je pense que c’est incontournable au haut niveau. » Son palmarès parle pour lui : champion de France avec Tours (2017) et plusieurs fois sacré en Allemagne avec Berlin (2021, 2022). Cet été, à la tête de la sélection croate, il a décroché son billet pour le prochain Championnat d’Europe. 

Chez lui, « perfectionniste » ne veut pas dire machine dénuée d’empathie. « Je ne sais que trop bien qu’à un moment dans la saison, une équipe doit tourner rond, humainement. Il faut aussi pouvoir rire ensemble… » Héritées de ses années rugby, ces valeurs de partage et de convivialité, lui sont chères. Ne crachant jamais sur l’apéritif -il concède un faible pour le Ricard-, Cédric l’Européen aspire aujourd’hui à se rapprocher de la famille et des amis, 
« la base de tout ». « Quatre ans à Berlin, c’était une expérience avec des perspectives d’ouverture à des langues, de nouvelles cultures… On voulait ça pour notre famille. Mais on arrive à un âge où l’on se dit qu’on a quand même envie de profiter des proches. » Son épouse et lui viennent d’acheter une maison à Poitiers. Elle y résidera à l’année avec leurs trois filles, lui vivra à Berlin une bonne partie de la saison. Un choix de vie assumé, à deux comme toujours. « Caro a joué au CEP en 2e division. Son passé de joueuse fait qu’elle comprend la vie professionnelle que je mène. Dans notre couple, c’est fondamental, vital. » L’occasion, aussi d’avoir un pied à terre pas loin de Lawson-Body. De là à l’imaginer un jour sur le banc du SPVB… « Je suis marqué au fer blanc. Tout le monde sait que c’est mon club, c’est viscéral quoi ! Si un jour les planètes venaient à être alignées, alors oui j’aimerais l’entraîner. »

DR

À lire aussi ...