Addiction aux écrans : au bon soin des ados

De plus en plus de familles consultent le centre hospitalier Henri-Laborit, à Poitiers, pour des troubles du comportement de leurs enfants liés aux écrans. Anatomie d’un phénomène très inquiétant.

Arnault Varanne

Le7.info

Selon l’enquête sur les jeunes et la lecture, réalisée en 2024 par l’Institut Ipsos, les jeunes de 7 à 19 ans passent en moyenne 3h11 par jour sur les écrans. La durée varie entre 
2h pour les 7-9 ans et 5h12 pour les 16-19 ans. S’agissant des plus jeunes, le temps d’exposition est estimé à 56 minutes à 2 ans et 1h34 à 5 ans et demi. Quelles que soient les études, toutes les données convergent vers un constat identique : trop, c’est trop ! « Je ne parlerais pas d’addiction car cela renvoie à un phénomène installé et statique, alors qu’on parle d’êtres en développement confrontés à un médiateaur qui tente de conquérir leur attention... », commente Ludovic Gicquel.

Le chef du pôle de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au centre hospitalier Henri-Laborit mesure cependant au quotidien les ravages de ces interactions numériques sur la santé mentale des enfants et ados. 
« L’écran répond à un besoin amplifié par le désir, un besoin qui n’a pas de limites. C’est comme si vous aviez accès à un buffet à volonté sans la sensation de satiété. Pas étonnant que l’obésité numérique conduise à l’obésité physique... » 
A la Maison des ados comme au Centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), les familles ne viennent pas consulter en raison d’une addiction aux écrans, « mais pour ses conséquences : troubles du comportement, fléchissement scolaire, isolement, repli, sextorsion et cyberharcèlement ». 


Dictature vs démocratie

Si le téléphone, « cheval de Troie du monde numérique », est considéré comme « la dictature », les soins représentent a contrario « la démocratie ». 
« Le principe n’est pas de sevrer un ado comme on le ferait pour un adulte avec l’alcool, mais d’élargir son champ de vision à d’autres activités culturelles, sportives, ludiques. » Le pédopsychiatre évoque au-delà la nécessité d’« accompagner les familles » dans ce qu’il appelle 
« une logique de rééquilibrage ». 
Même les jeunes patients hospitalisés ne sont pas privés de smartphone, mais les équipes de Laborit les aident à « percevoir leur vulnérabilité » face à un objet qui provoque « une souffrance psychique ». 


Il y a quelques années, des familles de patients avaient créé le collectif Ados accros, parents à cran pour échanger leurs bonnes pratiques. Le groupe a vécu, mais le phénomène d’emprise s’est installé, et même amplifié. Face au fléau, le 
Pr Gicquel se réjouit que le sujet occupe le devant de la scène médiatique. Suppression du portable au collège, incitation à ne pas introduire d’écrans avant 6 ans... Elus et sociétés savantes -notamment celle de pédiatrie- tirent la sonnette d’alarme. 
« Il faut informer les gens, c’est essentiel. Après, chacun agit en conscience de ce qu’il estime être bénéfique. Le numérique bouscule nos certitudes et implique de se questionner encore plus. »

A (re)découvrir en vidéo, la conférence « les écrans et les jeunes : quelle place pour les parents ? » : youtube.com/watch?v=sHbIQD7kMos.

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