Une machine à collectionner

A Champigny-en-
Rochereau, Jean-Michel Boisson collectionne et restaure des tracteurs centenaires. Bien plus qu’un simple loisir, c’est pour lui une manière de préserver un pan du patrimoine rural et de transmettre l’histoire 
de la mécanisation.

Pierre Bujeau

Le7.info

Dans son coin de campagne, où « y’a pas quinze mille loisirs : soit tu chasses, soit tu pêches », 
Jean-Michel Boisson a choisi une autre voie. Au début des années 1990, lassé par la mentalité des chasseurs de son coin, il s’est lancé dans une activité singulière : la collection et la remise en état d’anciens engins agricoles. Une passion née sur le tard, mais qui l’a saisi avec force. Aujourd’hui, plus d’une centaine de tracteurs dorment dans ses hangars, alignés comme une armée de métal. Heureusement, il n’est pas seul dans cette aventure. Son frère et son père ont, eux aussi, été « contaminés » par cette folie douce. Sans eux, il serait impossible de stocker et bichonner ces bijoux de mécanique qui tournent encore comme des horloges. « Le plus vieux date de 1915, raconte fièrement l’agriculteur. C’est un Titan, un deux-cylindres arrivé tout droit de Chicago. Il marche à l’essence et au pétrole, et c’est l’un des premiers tracteurs utilisés en France pendant la Première Guerre mondiale. » 


 

Histoire et mécanique

Chaque modèle raconte une étape de la mécanisation agricole en France. Des premiers moteurs deux-temps monocylindres aux derniers modèles de la Société française Vierzon, chaque engin à sa personnalité, son histoire. « Ce vieux Field Marshall, démarre en percutant une cartouche de calibre 12. L’Allgaier allemand, refroidi grâce à une bouillotte, on peut le mettre en route avec… une cigarette. » Pas question, pourtant, de salir ces trésors dans les champs. Ils sortent seulement pour les grandes occasions, comme la fête des labours de Champigny-en-
Rochereau. Cette année, il a fallu une semaine entière pour déplacer quatre-vingts de ces colosses rutilants. Un travail titanesque auquel s’adonne avec plaisir Jean-Michel, sans compter les nombreuses heures dédiées à la mise en marche des moteurs avec son frère, Jean-Yves. Ensemble, ils les démontent, les polissent et leur redonnent vie, toujours en respectant l’âme et la couleur des machines. Parmi cette panoplie impressionnante, un modèle attire l’œil : un Percheron, étonnamment orné d’un logo rappelant l’insigne nazi. Il s’empresse de préciser :
« Au titre des dommages de guerre, les tracteurs Percheron ont été fabriqués en France, copiés sur les Lanz allemands. On a remplacé la croix gammée par un petit cheval. J’ai le plus vieux tracteur de cette série encore en marche en France. » Si son hangar n’est pas encore un musée, Jean-Michel avoue en rêver secrètement. Un lieu ouvert à tous, où ses géants de fer pourraient transmettre leur histoire et faire perdurer le patrimoine rural.

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