
Aujourd'hui
Elle ne pouvait pas ne pas l’évoquer. Lors de son installation, le 1er octobre, Rachel Bray a directement fait référence au « drame du féminicide d’Inès Mecellem ». Et la nouvelle procureure de la République de Poitiers d’ajouter : « Notre action se doit d'être à la hauteur afin d'éviter que de tels crimes odieux ne se reproduisent et faire en sorte que leurs auteurs soient arrêtés et punis. » Hasard du calendrier, quelques heures plus tard, associations et collectifs (Collectif du 8 mars, Adev, CIDFF, Bien dans nos rues, Stop Fisha et Planning familial) se sont retrouvés à l’hôtel de la communauté urbaine, avec des élus, pour « éclaircir un certain nombre de points qui surgissent après le meurtre d’Inès », témoigne Héloïse Morel, du collectif du 8 mars.
Un premier tour de table préalable à une table ronde de plus grande ampleur prévue le 26 novembre, cette fois en présence de représentants de la préfecture, de la police et de la justice. Le contexte est compliqué puisque les services de la Direction interdépartementale de la police nationale attendent le résultat de l’Inspection générale de la police nationale. Idem côté justice où une enquête a été diligentée. « Le féminicide d’Inès a touché tout le monde au niveau national et provoqué de la colère », reprend Héloïse Morel. Faut-il le rappeler, Inès Mecellem avait déposé plusieurs plaintes. Sa situation était jugée suffisamment préoccupante pour qu’un téléphone grave danger (TGD) lui soit accordé. « Pourquoi délivre-t-on des TGD sans ordonnance de protection ?, s’interroge la militante. Véronique (tuée à Chasseneuil le 17 mai, ndlr) aussi avait porté plainte... »
Parce qu’elles ne veulent « plus faire de marche blanche », les associations et collectifs prônent pour une évolution du système de protection des victimes dans son ensemble. « Il faut qu’elles soient mieux protégées et travailler sur la prise en charge des auteurs. On doit s’inspirer des politiques mises en place en Espagne, selon Anne Dessault, directrice du CIDFF (Centre d'Information sur les droits des femmes et des familles). Cela demande du temps et des moyens. La promotion de l’égalité dès le plus jeune âge est essentielle. » En ce sens, la mise en place du programme d’éducation à la vie affective et relationnelle (Evar) en maternelle et à l’école primaire va dans le bon sens. « Mais il émane d’une loi de 2001... », soupire Anne Dessault.
« Ce qui manque c'est un échelon plus direct entre la préfecture et les associations et collectifs de femmes victimes de violences conjugales », estime encore Héloïse Morel. Le Grenelle des violences conjugales avait mis en place des « retex » (retour d’expérience, ndlr), mais ça ne s’est jamais fait. » D’autres demandent « la spécialisation des tribunaux, le port d’un bracelet anti-rapprochement pour les auteurs... » Signe du malaise ambiant, un agent de la police judiciaire de Poitiers s’est exprimé dans le Journal du dimanche. « Nos portefeuilles de dossiers explosent, nos effectifs fondent. Nous travaillons dans une insécurité morale et judiciaire totale. Résultat : les risques de commettre des erreurs potentiellement irréparables en ne parvenant pas à donner les suites appropriées aux signalements ou aux plaintes augmentent. Mais qui se préoccupe de cela ? » Réponse le 26 novembre ?
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