
Hier
Il sèche ses larmes à intervalles réguliers, envahi par l’émotion. Sur la table du salon, dans sa maison d’Aslonnes, un amas de documents administratifs. Dont ce courrier de remerciement de l’Association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh). « Je leur ai donné un fauteuil roulant, des déambulateurs... », explique Thierry Redon. Du matériel indispensable à son épouse Annick, qu’une sclérose latérale amyotrophique -la maladie de Charcot- a emportée en moins d’un an. Diagnostiquée le 16 février 2022, elle est décédée le 1er janvier 2023, un mois après son arrivée dans le service des soins palliatifs du CHU de Poitiers. « Ça a été une délivrance. Elle demandait tous les jours à être sédatée. Elle est partie en souriant. » Son mari loue un personnel d’une « humanité rare ». Mais il regrette que sa volonté d’en finir plus tôt n’ait pas été pleinement respectée, faute de cadre législatif adapté.
« Elle m’avait dit depuis longtemps que s’il lui arrivait quelque chose et qu’on ne pouvait rien faire, elle voudrait être euthanasiée. J’étais sur la même ligne, notre fils aussi. On est dans le pays des droits de l’Homme mais pas des êtres en fin de vie qui souffrent le martyr et veulent partir ! Charcot, c’est irréversible », s’indigne Thierry Redon. Tout au long de l’année dernière, malgré la perte de sa voix, de l’usage de ses jambes, les problèmes d’alimentation... Annick a continué à se battre en faveur d’une euthanasie active. Jusqu’à écrire au Président de la République, au ministre de la Santé ou encore au président du Sénat. Gérard Larcher lui a répondu poliment : « Votre lettre est très émouvante, croyez bien que je suis sensible aux souffrances qui sont les vôtres... » Et les élus de s’en remettre à la convention citoyenne qui a démarré ses travaux il y a quelques semaines. 185 citoyens planchent sur l’évolution ou non de l’accompagnement de fin de vie en fonction des situations rencontrées. Marie, une Poitevine de 28 ans, y participe jusqu’en mars prochain (cf. repères).
Thierry Redon sera attentif aux résultats de la commission ad hoc, mais il s’impatiente et juge surtout que « tant qu’on n’a pas été confronté à la situation, on ne peut pas imaginer ». Au-delà de la déchéance physique, se cachent des problématiques éthiques. « Annick a été consciente jusqu’au bout, mais elle ne voulait pas se voir dépérir alors qu’elle a été si active pendant sa vie professionnelle et auprès des associations. » En octobre, elle a pourtant accepté une gastrostomie au CHU de Limoges pour continuer à pouvoir s’alimenter. Une façon de repousser l’échéance. « C’est vrai, admet son mari. C’était pour rester avec moi un peu plus longtemps. » Le retraité écrase un nouveau sanglot et tend une plaquette de l’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique et autres maladies du motoneurone, l’ARSLA en résumé. « Il faut parler de la maladie de Charcot, qui fait 1 200 victimes par an en France », exhorte-t-il. Son combat se résume désormais à sensibiliser ses contemporains.
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