Liquidation totale ! Dans la rue des Cordeliers, à Poitiers, Esprit s’apprête à céder la place à l’enseigne de prêt-à-porter haut de gamme Tommy Hilfiger. De son côté, le crocodile de la boutique voisine Lacoste se prépare à migrer vers le local d’Alexandre Dony, rue Gambetta. « Comme la surface du magasin est deux fois plus grande, on va en profiter pour reconstituer l’ambiance d’un club de tennis avec du bois et du béton ciré, selon le cahier des charges de la marque. Ce concept fonctionne très bien dans d’autres villes », explique Charles Lassalle. Le Groupe Carmel, qu’il dirige avec son épouse Isabelle, possède ces deux boutiques et huit autres à Poitiers, Chartres, Orléans et Limoges. Le couple continue d’accroître ses activités dans les centres-villes, malgré les contraintes d’accès et le développement des zones commerciales périphériques. « Ces questions se posent partout, mais les commerces de centre-ville peuvent fonctionner sous réserve d’avoir un bon concept et des marques qui plaisent. »
Les clients sont prêts à faire le déplacement et à surmonter les contraintes pour trouver le produit qu’ils aiment et/ou vivre une expérience singulière. C’est également le constat que dresse Dominique Royoux. Ce professeur à l’université de Poitiers, expert en géographie, voit dans l’émergence des librairies indépendantes l’exemple de commerces qui savent fidéliser leur public. Lui s’intéresse depuis plusieurs années à l’évolution des centres-villes et assure assister à « un rééquilibrage nécessaire entre centre-ville et zones périphériques avec des grandes enseignes de la distribution qui investissent les centres en plus des commerces spécifiques ».
Les commerces de centre-ville attirent grâce à des marques, des concepts, des services spécifiques, mais augmenter le flux de clients potentiels se révèle aussi nécessaire. Impossible de compter uniquement sur le patrimoine, aussi beau soit-il. Il faut donc de l’animation. C’est pourquoi Poitiers Le Centre s’est lancé le défi de créer des événements tous les week-ends, et en particulier dans les « moments creux ». Après des festivités de Noël plutôt décevantes, l’association de commerçants du centre vient d’envoyer à la mairie un document de vingt pages intitulé « Animations et revendications ». « Environ 70 commerçants se sont réunis à cinq reprises depuis février pour améliorer les choses en partenariat avec la municipalité », précise le président Jean-Baptiste Dubreuil.Lui-même croit en l’avenir du cœur de ville puisqu’il vient de racheter une troisième brasserie. Parmi les nouveautés, deux festivals de la céramique et de la mode responsable, une « journée populaire » le 8 juillet avec vélos fleuris, un bal des pompiers et une journée pétanque, une fan-zone pour la Coupe du monde de rugby, deux concerts en août dans la foulée de Poitiers l’été, des jeux, des braderies... Leurs revendications ? Une heure de parking gratuit tous les jours, ainsi que des navettes régulières et gratuites des entrées de Poitiers vers le centre. Ça ne changerait pas tout mais « ce serait un bon signal ».
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