Un matin, la guerre a frappé à ma porte

Le Regard de la semaine est signé Oleksandra Sokur.

Le7.info

Le7.info

Ce matin du 24 février 2022, il faisait encore sombre, mais les explosions résonnaient si fort que l’air vibrait. Mon sac d’urgence, préparé à l’avance, m’attendait près de la porte. Je l’ai saisi et me suis précipitée chez mes parents, qui habitaient tout près. Ce n’est qu’à leurs côtés que j’ai ressenti un bref soulagement. Pourtant, les détonations ne cessaient ni le jour ni la nuit. On aurait dit que les combats se déroulaient juste devant la maison. Chaque journée devenait plus bruyante et plus angoissante que la précédente.

Une semaine plus tard, il est devenu clair qu’il n’était plus possible de rester. J’ai rassemblé deux sacs avec l’essentiel et contacté des bénévoles qui organisaient des bus d’évacuation. Mes parents m’ont conduite au point de rendez-vous. C’est là que mon voyage vers l’inconnu a commencé. Je devais arriver à Lviv, une grande ville de l’ouest de l’Ukraine, dans la soirée, pour y rejoindre une amie et son enfant. Mais le destin en a décidé autrement : 
le bus est tombé en panne au milieu d’une forêt. Les sirènes rappelaient sans cesse que la guerre était proche. Nous avons passé la nuit dans une école maternelle, froide et improvisée. Le lendemain après-midi, nous avons repris la route. J’ai atteint Lviv tard dans la soirée, épuisée mais soulagée d’y être enfin arrivée. Le lendemain, avec mon amie et sa fille, nous avons pris un bus pour la Pologne. Le passage de la frontière fut une épreuve : près de quinze heures d’attente. Autour de nous, des centaines de personnes avançaient à pied, d’autres grelottaient dans le froid en suppliant d’entrer dans le bus. C’était le début du printemps, l’air glacé pénétrait jusqu’aux os, mais surtout l’incertitude rongeait.

En Pologne, nous avons été accueillies avec chaleur. Des bénévoles offraient du thé, de l’eau, des boissons sucrées et des cartes SIM pour joindre nos proches. Après cette longue route, ce n’était pas seulement une aide matérielle, c’était un geste d’humanité qui redonnait foi en l’avenir.

Deux jours plus tard, j’ai poursuivi ma route jusqu’en France. Là a commencé une nouvelle étape de ma vie : un pays inconnu, une langue différente, de nouveaux défis. Mais surtout, chaque journée est devenue un cadeau, rendu possible grâce à ceux qui ont tendu la main en chemin. Un seul jour de fuite s’est transformé en un long voyage vers une nouvelle vie. Cette expérience m’a appris à chérir le silence, les petites choses et la solidarité humaine, même au cœur du chaos.


CV express
Ukrainienne en France. Secrétaire d’accueil chez Audacia à Poitiers, saxophoniste dans l’association Symphonie Emry, à Vouneuil-sous-Biard.

J’aime : l'ouverture d’esprit, la nature, la découverte de nouvelles choses, la musique, voyager et la photographie.

Je n’aime pas : le manque de temps, les conversations superficielles et l'irrespect.

À lire aussi ...