Bouillant de cultures

Dominique Hummel, 57 ans. Patron charismatique du Futuroscope depuis presque dix ans. Orateur hors pair et entrepreneur dans l’âme, cet Alsacien pur sucre cultive son jardin secret à dessein. Il lève un coin du voile.

Arnault Varanne

Le7.info

 

15 juin 2002, bistrot de Saint-Julien-l’Ars. Le candidat UMP de la 1re circonscription serre des louches dans l’arrière-salle. D’un coup, la patronne monte le son. «Y’a l’Premier ministre pour monsieur Hummel au comptoir!» Silence de mort. Intronisé quelques semaines plus tôt à Matignon, Jean-Pierre Raffarin débarque toutes affaires cessantes pour soutenir son disciple en politique. «Il avait une bonne et une mauvaise nouvelle à m’annoncer, se remémore «monsieur» Hummel. La bonne, c’est que les Renseignements généraux me donnaient gagnant, la mauvaise que Philippe Amaury voulait arrêter le Futuroscope.»

Le destin tient parfois à un fil. En l’occurrence six cent cinquante neuf bulletins... «A quelque chose, malheur fut bon», estime rétrospectivement le président du Directoire du Futuroscope «sans vanité». Neuf ans après, l’anecdote le fait (toujours) sourire. Son rendez-vous manqué avec l’histoire politique a accouché d’une lune de miel prolongée avec le parc de l’image. Sans regret ! «Je suis d’abord un entrepreneur dans la mentalité. Je ne suis pas sûr que j’aurais eu la force de durer dans cet univers.»

«Donner du sens»

«Attachant» et «brillant» pour les uns, «énigmatique» et «distant» pour les autres, «DH» ne laisse personne insensible. A 57 ans, le natif d’Hangenbieten, Alsace, cultive fièrement sa double appartenance aux sphères économique et intellectuelle. Tour à tour ultrapragmatique et un tantinet romanesque. Capable de livrer un brillant discours de macroéconomie avant d’enchaîner par l’une de ces citations dont il détient le secret de fabrication. Exemple ? «On ne renonce jamais à rêver le monde, il faut inventer.» À la tête du Futuroscope, le patron alsacien de l’année 2009 a dégoté un «véritable Ovni» propre à satisfaire tous ses appétits. «Ici, il y a un mélange de local et de mondial, de gestion et de développement, d’artistique et de financier… Tout ce que j’aime !»

Si ce «rodeur des frontières» s’épanouit tant sur ses terres d’adoption - «Le radical socialisme de l’ouest permet une vraie capacité d’initiative»-, il doit avant tout son sens de la synthèse à ses premières amours alsaciennes. Sa mère enseignante lui a inculqué «le sens de l’intérêt général», son père chef d’entreprise le sens des affaires. C’est ainsi que l’ex-directeur général des services de la Région (1994-1998) a pu naviguer avec un égal bonheur dans les eaux du leader européen de la distribution automobile (PGA) sous l’ère Guénant. «Quelqu’un de brillant, même si faire de l’argent, en soi, n’est pas un sujet qui me motive.» Ce père de quatre enfants (trois filles, un garçon) ne peut s’empêcher de «donner du sens» à chaque seconde de sa vie. Y compris derrière les fourneaux, où la cuisine s’apparente à «un immense moment de créativité et de générosité». «Ok, ça vide aussi la tête, reconnaît l’amateur de peinture de la première moitié du XXe siècle et guitariste à ses heures perdues. Qui concède : «Je ne suis pas un pro du lâcher prise.» 

Des élans visionnaires

Au «rendez-vous de l’émotion», on imagine moins le patron du Futuroscope s’adonner à la marche en montagne ou dans le désert, affirmer «son rapport à la nature». Eh oui, à force d’entretenir le mystère, «DH» finit par susciter la curiosité des plumitifs, au-delà de sa fonction. «Je suis Alsacien de souche, catholique et capricorne de surcroît. Ça fait trois bonnes raisons de ne pas être d’un naturel débordant !» Qu’importe le tempérament, « DH » ne demande qu’à être jugé sur ses actes. De ce point de vue-là, ses états de service au Futuroscope plaident en sa faveur.

Jusqu’à quand ? Jusqu’à quand le Futuroscope profitera-t-il de ses élans visionnaires et de son sens du leadership ? Le passage de témoin réussi avec la Compagnie des Alpes l’incline sans doute à accélérer la réflexion. Officiellement, la passion l’habite toujours. Ce qui ne l’empêche pas d’évoquer le futur sans lui. À la manière d’un Monory, Hummel laissera sans conteste une trace de son passage dans la Vienne. De là à émouvoir la patronne du bar de Saint-Julien-l’Ars…

 

 

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