Je suis sourde, et alors ?

En septembre dernier, Camille, 17 ans, a intégré le salon de Carolyne Rinçant à Poitiers. Elle est à ce jour la seule apprentie coiffeuse du département à être atteinte de surdité.

Nicolas Boursier

Le7.info

Il a fallu de grands gestes pour lui arracher les mains de son bac à shampooing. L’appeler aurait été inutile. Sa surdité est totale. Seul l’implant qu’elle possède à l’oreille permet à Camille de distinguer des sons. « Oui, mais elle l’a perdu il y a quelques jours », peste Carolyne. Alors la patronne insiste. Sa jeune employée s’exécute.
Du fond du salon, la « gamine » avance, sourire timide aux lèvres. Cette chanson de gestes est un pain quotidien depuis septembre. Depuis que Carolyne Rinçant a accepté de prendre sous sa… coupe l’ancienne collégienne de Renaudot. « J’ai fait sa connaissance lors d’un stage de 3e, rappelle-t-elle. Je lui ai fait faire un brushing pour la mettre à l’épreuve, j‘ai été épatée par ses capacités. Son handicap auditif est parfois une entrave. Mais elle a développé d’autres sensibilités. Son toucher, notamment, est extraordinaire. »
Dans la galerie du Super-U, avenue du 8 mai 1945, Camille est désormais connue et reconnue. Les clientes l’ont adoptée. « Cela ne m’a jamais gênée que cette jeune file soit sourde, explique une habituée. Les échanges ne sont pas toujours faciles, mais elle fait très bien son travail. Elle est souriante et douce. » Au fronton du magasin, un panonceau prévient les visiteurs occasionnels, que la belle jeune fille aux cheveux longs ne peut vous comprendre qu’en lisant sur vos lèvres. « Je n’ai jamais constaté la moindre réticence », se félicite Carolyne.
 
Tout sauf le téléphone

A ce jour, Camille Sourrisseau est la seule apprentie coiffeuse de la Vienne.  Une « exclusivité » qu’elle doit d’abord à sa farouche volonté d’embrasser la carrière et au soutien actif de Florence Berton, conseillère en insertion au Service d’accompagnement formation insertion (SAFI) de l’Institution régionale de Jeunes Sourds (IRJS) de Poitiers.
Sur le Campus des Métiers, cette dernière épaule sa protégée dans tous les cours dont elle a besoin, notamment le français et l’histoire-géo. Pour elle, Camille peut devenir un exemple. « Elle a parfois des attitudes négatives, essentiellement liées à son âge, mais dans l’ensemble, je suis fière du chemin parcouru. Ses progrès sont la preuve qu’insertion et handicap sont tout sauf incompatibles. »
Au salon, l’apprentie se cantonne pour l’heure aux shampoings et aux couleurs, aux brushings et aux coupes enfants. Le reste lui est encore inaccessible. « Mais hormis la prise de rendez-vous au téléphone, rien ne lui sera impossible d’ici quelques années », promet sa patronne. Camille, elle, a foi en sa destinée. « Toute petite, je m’amusais à peigner mes poupées et à leur couper les cheveux, explique-t-elle d’une voix fluette mais tout à fait audible. Je veux faire de la coiffure mon métier et je rêve d’ouvrir un jour mon salon. Je ferai tout pour y arriver. » Cette construction doit toutefois reposer sur des bases solides. La première ? Retrouver un implant, bien sûr !
 

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