Alain Claeys, le feu et la glace

Né à Poitiers il y a soixante-quatre ans, Alain Claeys voue à sa ville un amour viscéral. Propulsé à sa tête, en 2008, après trente et un ans de règne de Jacques Santrot, l’ancien directeur de cabinet navigue entre exercice de l’autorité et art de la composition.

Nicolas Boursier

Le7.info

Il croise ses mains comme un communiant en prière, pose son regard dans le vôtre et s’abandonne à un court silence introspectif. Toute question personnelle suscite chez lui le même rituel. Si instinctif dans l’analyse de son « œuvre » ou des grands sujets de société, Alain Claeys ne s’épanche pas aisément sur ses démons intimes ou ses espoirs enfouis. Tout juste ose-t-il s’attribuer un mérite : « D’être honnête dans tout ce que je fais. »
Derrière la faconde de l’homme public, bavard et passionné, se cache une réserve tout en pudeur. Mais aussi un tempérament de feu que beaucoup aiment à lui reprocher. « Autoritaire, moi ? Oui, je sais, on me l’a déjà dit, concède le député-maire. Et je veux bien le reconnaître. A la seule condition que cette autorité-là ne soit jamais assimilée à du sectarisme. Les gens sectaires sont ceux qui ne veulent pas affirmer leurs positions. Moi, je les assume pleinement. »

« Je suis tout sauf marrant »

Une fois lancé, Claeys se livre enfin. Et n’hésite pas à clouer le bec à ceux qu’il dérange. Y compris aux syndicalistes, qui ne sont pas les derniers, depuis quatre ans, à pointer ses « coups de colère » et « sa poigne de fer ». « Et alors ?, rumine-t-il. Est-ce une tare, pour un homme qui préside aux destinées d’une ville comme Poitiers, de vouloir bien connaître et maîtriser ses dossiers ? J’ai le sentiment de déléguer comme il le faut, malgré une équipe réduite. Le seul reproche que l’on puisse me faire, et mon directeur de cabinet est d’ailleurs le premier à l’éprouver au quotidien, c’est que lorsque j’ai ces dossiers entre les mains, je suis tout sauf marrant. »
Pendant plus de trente ans, Alain Claeys s’est endurci au côté, pour ne pas dire dans l’ombre de son prédécesseur à la mairie, Jacques Santrot. Comme lui, il a la conviction chevillée au corps et le verbe éructant. « Mais Santrot pouvait vous engueuler, vous mettre plus bas que terre et, dix secondes après, vous taper sur l’épaule, explique une employée de mairie. Avec M. Claeys, ça hurle moins, mais c’est plus froid. Il donne inlassablement le sentiment de tout vouloir contrôler. »

« Plus assemblier que bâtisseur »

Le mode de gouvernance du maire ? Son opposant au conseil, l’UMP Stéphane Braconnier, en connaît un rayon sur la question. « C’est vrai qu’il a une certaine autorité naturelle, d’ailleurs nécessaire pour la fonction qui est la sienne, reconnaît son rival des Municipales de 2008. Personnellement, il ne m’a jamais impressionné. Je lui reproche d’écouter mais de ne pas assez entendre. Et, surtout, de ne jamais ériger la concertation en priorité absolue. Avec lui, on est loin de la tyrannie, mais très proche de l’autocratie. »
« Les petits mots piquants ne m’atteignent pas, rétorque le maire. Je ne me sens nullement détenteur du pouvoir absolu, mais du seul devoir d’agir. Dans la vie, il y a les diseux et les faiseux. Eh bien moi, j’ai la prétention de me considérer comme un faiseux. Pas un bâtisseur, mais plutôt un assemblier. »
Sans doute est-ce cette qualité auto-proclamée qui a facilité, par exemple, le rapprochement de la Mairie avec le Département droitier, à une époque où les ponts semblaient irrémédiablement coupés. Sur ce point-là comme sur bien d’autres, l’« héritier » Claeys aura finalement su dévier du chemin tracé par le précédent tenant du trône.

 

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