La communauté juive profil bas

Après l’attentat contre l’Hyper Casher de la Porte de Vincennes, à Paris, les Juifs de Poitiers s’efforcent de ne rien changer à leurs habitudes de vie. Il faut dire que leur discrétion tient lieu de précepte quasi intangible. Mais certains ont peur…

Arnault Varanne

Le7.info

Contrairement à d’autres grandes villes françaises, la capitale régionale n’abrite qu’une communauté juive réduite. Son président Jacques Mergui évoque « une centaine de familles tout au plus », fédérées autour d’un micro-local du boulevard Jeanne-d’Arc. Des familles « sous le choc » du triple attentat perpétré contre Charlie Hebdo, la policière municipale et l’Hyper Casher de la Porte de Vincennes. « Dès le mercredi, je savais que les terroristes s’en prendraient aux Juifs… Et, le vendredi soir (Ndlr, 9 janvier), certains ont hésité à venir au local pour Shabbat, craignant de ne pas être en sécurité. Une fois de plus, la barbarie s’est identifiée à l’antisémitisme », déplore l’ancien proviseur en retraite.

Depuis ces faits dramatiques, la police patrouille régulièrement boulevard Jeanne-d’Arc, même si la protection est plus « légère » que pour la grande mosquée, visée par un incendie criminel. Ici, la vie a repris son cours « presque normal ». « A Poitiers, on ne se sent pas menacé et il ne m’a jamais traversé l’esprit d’aller vivre en Israël, même si j’y ai de la famille », poursuit Jacques Mergui. é

Egalement juif américain et « fier de l’être », Jeffrey Arsham est dans le même état d’esprit. « Si j’ai peur ? Non, c’est tout le contraire, répond tout de go le traducteur et interprète. La mobilisation extraordinaire des Français a fait chaud au coeur. Le fait que Manuel Valls déclare que les Juifs faisaient partie intégrante de la République m’a convaincu que ma place était bien ici… »

« Un départ ? On en parle… »

Lenny Cipel tient un discours moins convenu. C’est un euphémisme. Ce père de famille se sent « encore moins en sécurité qu’hier ». Il y a six mois, il faisait des courses à l’Hyper Casher de la Porte de Vincennes et nourrit le sentiment que les Juifs sont dans le viseur. « L’attaque de l’école Ozar Hatorah, Ilan Halimi, l’attaque de Bruxelles, l’Hyper Casher… Ça fait beaucoup ! Il y a un mélange de malaise et d’inquiétude. Ce n’est pas ça ma France. » A tel point qu’à la table familiale, les discussions autour d’un éventuel départ à l’étranger ne sont plus taboues. Mais pas forcément vers Israël…

Reste qu’à Poitiers, les soubresauts du conflit israélo-palestinien et l’antisémitisme -le seul fait notable et récent étant une attaque à la sortie d’une discothèque de Chasseneuil- pèsent assez peu de poids par rapport à d’autres villes. Ici, le dialogue interreligieux est nourri depuis plusieurs années. D’ailleurs, la présence de Jacques Mergui devant la Grande mosquée de Poitiers, le matin du drame de la Porte de Vincennes, atteste des liens qui existent entre Musulmans et Juifs. La prochaine journée commune(*) se déroulera le 23 mars. L’après-midi à… Saint- Jacques de Compostelle se déroulera sur le thème « Croyants dans un monde en quête de vérité ». Tout un symbole !
 

"Il y a deux poids deux mesures"

Fortement mobilisé pendant le dernier conflit armé entre Israël et le Hamas, le comité poitevin France-Palestine s’est dit « horrifié par les attentats » de Paris. Dans un long communiqué adressé à la rédaction, sa présidente Sylvette Rougier explique cependant pourquoi elle estime qu’il y a « deux poids deux mesures » avec les « bombardements froids et systématiques » sur la bande de Gaza. « Qu’aujourd’hui, nous soyons sommés d’être tous derrière Israël, que les Français juifs soient tous sommés d’immigrer en Israël, que la France laisse sa politique intérieure être dictée par Israël, n’est-ce pas là que réside le noeud de l’importation du conflit en France ? »

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