Industrie : c’est grave docteur ?

La suppression probable de cent vingt-quatre postes chez Itron, à Chasseneuil, agite le spectre d’une nouvelle catastrophe industrielle. La dégringolade paraît inéluctable, même s’il existe quelques motifs d’espoir.

Arnault Varanne

Le7.info

Cette année, Yves Marzet fêtera les quarante ans d’implantation de sa boîte à Châtellerault. Le spécialiste du traitement de surface s’estime presque heureux d’être encore en vie. Entre 2007 et 2014, le dirigeant a vu son chiffre d’affaires et ses effectifs divisés par deux… sans perdre un seul client. « Et c’est le cas pour beaucoup d’entreprises ici ! » Comme d’autres sous-traitants de l’automobile, les Ets Marzet subissent de plein fouet le ralentissement de l’activité et la concurrence frontale des pays de l’Est. Se diversifier ? L’industriel réalise aujourd’hui un tiers de son chiffre d’affaires avec des prestations nouvelles. Mais l’accès aux marchés de l’aéronautique et du médical s’avère « compliqué ».

New Fabris, CEIT, Fédéral Mogul, Itron… Chaque année ou presque, la Vienne perd tout ou partie de ses fleurons industriels, comme si le mouvement paraissait inéluctable. La dernière « saignée » -cent-vingt quatre emplois-, promise par le groupe américain à la mi-janvier, ne laisse pas d’étonner. Itron avait en effet remporté, à la rentrée 2014, un contrat avec ErDF pour construire entre 1,2 et 1,6 million de compteurs intelligents Linky. Encore plus étonnant, le groupe a investi 12M€ et recruté cinquante personnes ces dernières années. Une valse à deux temps qui rappelle celle de Michelin, en 2006…

« La casse n’est pas terminée »

« L’industrie est en pleine mutation et la casse n’est malheureusement pas terminée », analyse le consultant Jean-Marc Neveu. Ce spécialiste de l’aéronautique met des mots sur les maux. « Le modèle doit être repensé en termes de services aux clients et d’agilité. Il y a bien évidemment aussi une problématique de coût horaire. Mais les entreprises en réussite sont celles qui sont à l’international. » Marie-Christine Bolinches partage ce constat. La déléguée générale du Medef Vienne parle de « mesures mortifères » depuis le milieu des années 80 et de leurs effets « dévastateurs ». « Dans ce contexte, l’innovation, la recherche de niches et l’export sont à privilégier », insiste-t-elle.

Bien sûr, le tableau n’est pas complètement noir. L’implantation de Mecafi, à Châtellerault, et la dynamique créée par Airbus profitent aux PME aéronautiques du territoire. A telle enseigne que le secteur recrute 550 personnes par an pendant cinq ans. Mais encore faut-il favoriser la reconversion d’ex-salariés de secteurs d’activité en déshérence. Là encore, il est question de s’adapter, de muter. Depuis plusieurs années, l’UIMM86 (*) a mis en place un programme baptisé Acamas, destiné aux PME de la mécanique. Dix-huit mois d’accompagnement par un consultant de haut vol. Avec un objectif : « Mener une réflexion stratégique en termes de produits, de marchés et de territoires », dixit Jean-François Lherme, chargé de missions « Industrie, emploi, formation » à l’UIMM86. Yves Marzet avait suivi le programme entre 2007 et 2008. Avec du recul, il estime qu’Acamas l’a sans doute aidé à survivre.


(*) Union des industries et métiers de la métallurgie.

 

L’industrie en chiffres
Dans la Vienne, l’industrie concentrait, à la fin 2012, 13,9% des emplois marchands, soit 21786 salariés, selon les statistiques de l’Insee. C’est moins que la Charente (19,9%) ou les Deux-Sèvres (16,1%). Toujours à fin 2012, le département comptait 2148 établissements industriels. Le terme recouvre une grande diversité, entre les « producteurs et distributeurs d’énergie », les « fabricants de denrées alimentaires » et autres « industries du papier ».

 

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