Xynthia, un procès hors norme

Du 16 novembre au 4 décembre, Poitiers accueille le procès en appel de la tempête Xynthia. Le Poitevin Pierre Métais est partie civile et attend des condamnations exemplaires pour les prévenus.

Arnault Varanne

Le7.info

« Ces gens-là ont des morts sur la conscience », estime l’ancien propriétaire d’une résidence secondaire à La Faute-sur-Mer. Une tempête judiciaire et médiatique s’apprête à déferler sur Poitiers. A partir de lundi prochain et pendant trois semaines, toutes les télés de l’Hexagone devraient avoir l’objectif braqué sur la capitale régionale. La salle des Pas-Perdus a même été réquisitionnée (voir encadré) pour héberger le procès en appel des responsables de la catastrophe occasionnée par la tempête Xynthia, en février 2010.

A La Faute-sur-Mer, petite station balnéaire de la côte vendéenne, vingt-neuf personnes avaient trouvé la mort, toutes noyées. Comme en première instance, il y a un an, trois protagonistes seront particulièrement observés : l’ancien maire de la commune, René Marratier, condamné à quatre ans de prison ferme pour homicide involontaire, Françoise Babin, son ex-adjointe à l’Urbanisme, qui a écopé de deux ans ferme, et le fils de cette dernière, Philippe, de dix-huit mois(*), pour le même motif.

« Il était au restaurant »

Pierre Métais les connaît très bien. Deux ans avant le drame, alors qu’il construisait sa résidence secondaire dans ce qu’il appelle le « trou de la mort », cet habitant de Naintré avait eu quelques échanges aigres doux avec René Marratier. Quant aux Babin, propriétaires d’une agence immobilière, il leur a tout bonnement acheté le terrain. De ce procès en appel, à Poitiers, l’ancien entrepreneur du bâtiment attend « des condamnations exemplaires ». « Marratier n’est évidemment pas responsable de la tempête, mais de ses conséquences. Il avait reçu plusieurs messages d’alerte, dont il n’a pas tenu compte. Le soir du 27 février, il était au restaurant… Il a donc vingt-neuf morts sur la conscience, comme les autres ! »

« Beaucoup de rancoeur »

Son jugement est lapidaire. Et même si le temps qui passe aide à panser les plaies, le Poitevin n’oublie pas que sa femme Nicole et lui-même ont failli payer de leur vie « l’irresponsabilité de certains ». « Je pense au notaire chez qui j’ai signé mon acte, à certains agents de la Direction départementale de l’équipement aussi… » La nuit du 27 au 28 février 2010, le vent a soufflé comme jamais et l’eau est montée jusqu’à deux mètres cinquante. « Au départ, je croyais à une fuite sur mon chauffe-eau. Puis je me suis aperçu que j’avais dix centimètres d’eau dans la chambre. Le temps de récupérer quelques affaires et nous nous sommes réfugiés au premier étage. J’ai cru que notre dernière heure était arrivée. »

Le fait de livrer son récit aux médias a « soulagé » Pierre. Nicole, elle, a été suivie deux ans sur le plan psychologique. Aujourd’hui, elle n’a « pas de haine, mais beaucoup de rancoeur ». Comme les cent quarante-six parties civiles attendues à Poitiers et presque toutes regroupées derrière elle, l’Association des victimes des inondations de La Faute (Avif) espère que « la justice passera une deuxième fois » pour condamner les infractions commises. Son président, Renaud Pinoit, s’est « préparé à toutes les éventualités ».

Y compris à répondre aux membres de « Demain, La Faute-sur- Mer » (retrouvez un article dédié dans notre numéro de la semaine prochaine), proches de l’ancien maire de la commune vendéenne, qui estiment que tous les responsables de la catastrophe n’ont pas été jugés à la barre du tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne.

(*) En première instance, Alain Jacobzoone, fonctionnaire de permanence à la préfecture de Vendée, avait été relaxé. Un cinquième prévenu, Patrick Maslin, ancien adjoint au maire, était décédé pendant le procès des suites d’une maladie.

Un palais transformé

Le temps du procès en appel de la tempête Xynthia, la salle des Pas Perdus va se transformer en salle d’audience. Trois cent quarante sièges y seront installés, dont quarante-deux places réservées à la presse, qui bénéficiera aussi d’une salle de travail. La sécurité sera renforcée, avec la présence de cinq vigiles, contre deux en temps normal.

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