L'enfer dans la cour de récré

Jeudi dernier se tenait la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. Ce que certains adultes pensent n’être qu’un « jeu d’enfant » peut avoir de très graves répercussions. Caroline, elle, ne s’en est jamais remise…

Florie Doublet

Le7.info

La plaie reste béante. A 37 ans, Caroline n’a rien oublié du harcèlement vécu alors qu’elle n’était qu’une ado. Injures, mépris, vexations, brimades... La cour de récréation de son collège du Nord-Vienne s’était transformée en un véritable enfer. « J’ai été humiliée à de multiples reprises, raconte-elle. Des journées entières, des filles se mettaient à plusieurs pour m’insulter. J’étais constamment exclue du groupe. En sport, les élèves et les profs se moquaient de mes maladresses. Un jour, un garçon m’a jeté à la figure des escargots, sachant pertinemment que je détestais ces bestioles. Ma professeure m’a menacée de punition car je criais et m’a accusée de provoquer mes camarades. La confiance était rompue. »

Pédopsychiatre au centre hospitalier Henri Laborit de Poitiers, Nicole Catheline regrette l’aveuglement de certains adultes. « Ils doivent entourer l’élève, lui assurer qu’ils sont présents et en mesure de le protéger. » La professionnelle de santé rappelle que les conséquences du harcèlement scolaire peuvent être dramatiques. Plus de 60% des jeunes concernés disent avoir des idées suicidaires ! « Nous ne sommes pas tous égaux, poursuit le médecin. Les victimes dotées d’une excellente assise narcissique peuvent s’en sortir grâce à un entourage familial solide. »

La peur des différences

Caroline, elle, n’a pas eu cette chance. La suite de son parcours scolaire n’a été qu’une succession de déconvenues. « Je suis partie dans un collège-lycée privé à Poitiers. J’aurais voulu prendre des cours via le Cned, mais mes parents ont refusé, craignant que je ne veuille plus retourner à l’école. J’ai donc redoublé ma 3e, ma seconde, mon bac et ma première année de fac de psycho. »

Aujourd’hui, Caroline paie encore le prix de ce harcèlement. Elle reste « très angoissée à l’idée que cela recommence » et n’a jamais pu travailler. La jeune femme a depuis cherché à reprendre contact avec certains harceleurs… Sans succès. « Je ne veux pas régler mes comptes, ni juger, simplement comprendre. »

Nicole Catheline est en mesure de lui apporter un début de réponse. « Le harcèlement commence par la nonacceptation d’une différence. Les harceleurs sont des enfants fragiles, qui n’ont pas confiance en eux. Rabaisser les autres leur permet alors de se sentir supérieurs. A cela s’ajoute la dynamique de groupe, très importante à cet âge. » Caroline vit désormais en Vendée, où elle tente de se reconstruire au côté de son mari. La plaie reste béante. Il faudra sans doute encore de longues années avant qu’elle ne se referme.
 

Des mesures pour endiguer le fléau

L’académie de Poitiers a relevé vingt-cinq cas de harcèlement scolaire pour l’année scolaire 2014-2015. « Ces chiffres sont recensés via la plateforme nationale qui recueille les signalements des parents, détaille Vincent Planet, référent harcèlement du rectorat. Il ne s’agit là que d’une indication, il est probable que cela touche un plus grand nombre d’élèves. » Au niveau national, 700 600 jeunes, de l’école au lycée, en sont victimes. Depuis 2013, l’académie a mis en place le dispositif Sentinelle. Il s’agit d’impulser un réseau de lutte contre le harcèlement, en formant et accompagnant dix jeunes et six adultes référents. Par ailleurs, la ministre de l’Education nationale veut généraliser la formation de lycéens ambassadeurs qui assureront le relais entre la victime et l’équipe pédagogique.

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Témoignages

 

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