Migrants en transit

Sortis de la jungle de Calais fin 2015, les migrants accueillis à Poitiers attendent depuis que leur demande d’asile soit examinée par l’administration. Les trente-trois Afghans et Soudanais rongent leur frein tant bien que mal.

Arnault Varanne

Le7.info

Ils sont arrivés en bus du nord de la France, un soir anonyme de novembre. Une sorte d’armistice avant l’heure, après des semaines voire des mois d’errance dans la trop célèbre jungle de Calais. Plusieurs sont repartis, « trois jours après » , forcer l’improbable barrage qui mène vers l’Angleterre, leur eldorado. « Au total, quinze des trente-trois migrants ont quitté Poitiers, mais d’autres nous ont rejoints », témoigne Thibault, éducateur d’Audacia en charge de les encadrer, le temps de leur séjour dans la Vienne.

Entre examens médicaux au CHU et démarches administratives, les deux premiers mois ont filé à la vitesse de l’éclair. « Mais maintenant, ils commencent à trouver le temps long… » A l’image de Dawod, tous s’accrochent cependant à l’idée d’une vie meilleure en Europe. En narrant son parcours, cet Afghan de 44 ans a ému aux larmes une employée de la préfecture. L’enfant illégitime d’un général afghan n’a jamais eu de papiers d’identité entre les mains, ballotté entre « son » pays d’origine et la Russie, la Hongrie, l’Allemagne et désormais la France. En transit. Et impatient de « faire venir (s)a femme et (s)es trois enfants qui vivent au Pakistan ». « Le passé est important, mais au quotidien, on parle surtout d’avenir », recadre Antoine, un autre éducateur d’Audacia. Parce que l’avenir se conjugue aussi au présent, la structure s’efforce de proposer aux vingt-trois Afghans et dix Soudanais des activités de fortune. Avec de maigres moyens…

Des cachets pour dormir

Le city park du coin sert de terrain de football. Seul bémol, « certains n’ont qu’une paire de chaussures à se mettre ». La Regratterie voisine a déjà accueilli quelques-uns d’entre eux. Et les balades dans le centre-ville de Poitiers permettent de « s’aérer la tête ». « Ici, les gens sont gentils, la ville est belle », sourit Dawod. Les riverains, à l’origine hostiles à leur venue, donnent de leur temps. Du pain. Des cours de français. C’est selon. « Une dame a même fait des bûches à Noël ! »

Petit à petit, les barrières tombent, la confiance s’instaure. Mais le mal-être affleure aussi. Les corps se relâchent, les esprits gambergent. « Ils sont de plus en plus nombreux à prendre des cachets pour dormir. Ils ne trouvent pas toujours le sommeil, se couchent à 6 ou 7h et se lèvent en décalé », reconnaît Thibault. Comment vivre au jour le jour, avec l’interdiction de travailler et des perspectives aussi floues ? La tâche est compliquée. Et pourtant, tous étaient ingénieur, électriciens, mécaniciens, policiers ou étudiants avant de fuir leur pays. « Contrairement aux idées reçues, ils ne supportent pas de vivre de la solidarité. Ils voudraient bosser ! »

Les ex-migrants de Calais perçoivent 4€ par jour au titre de l’Aide sociale. Audacia fait les démarches pour qu’ils accèdent aux aides -10€ par jour- dispensés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Du provisoire qui, hélas, devrait durer.

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