Clown d'un jour, clown toujours

Jean Brunet, alias Gomina. Bientôt 100 ans. Signe particulier : a fait rire des générations entières d’enfants en faisant le clown. La passion de toute une vie.

Florie Doublet

Le7.info

I l était une fois un petit gar- çon, attiré par les lumières d’un chapiteau de cirque. Fils de cheminot, il n’avait guère d’argent pour s’offrir une place. A défaut, il souleva la toile pour admirer le spectacle. Et ébloui par un numéro de contorsionniste, se jura de devenir artiste…

Cette histoire est celle de Jean Brunet, que tous les Poitevins ou presque connaissent sous le nom de Gomina. Le 1er novembre, le clown soufflera sa centième bougie. Cent ans d’une passion toujours intacte. « J’aime faire le guignol ! Que voulez-vous que je vous dise, c’est en moi ! », lâche-t-il avec un regard rieur.

A l’Ehpad « La rose d’Aliénor », les souvenirs de sa vie d’artiste sont éparpillés un peu partout dans sa chambre. Ici, des albums photos où s’étale en noir et blanc le passé de Gomina. Là, de drôles d’instruments, comme une scie musicale et des chandeliers à vent. Inutile d’insister très longtemps pour que Jean se saisisse de son archet. Il y a quelque chose de touchant à contempler ce vieux monsieur, le dos courbé et les mains pétries d’arthrose, jouer « Douce nuit » à la scie et s’écrier « Merde ! » à chaque -rare- fausse note. « Si vous trouvez un autre centenaire capable de faire la même chose, surtout prévenez-moi ! », sourit son fils Guy, alias le clown « Frisco ». Je pense que vous allez chercher longtemps. »

Drôle de contorsionniste !

Jean Brunet est unique en son genre. Musicien, peintre, poète, acrobate, clown… Finalement, le seul talent que cet autodidacte n’a jamais développé, c’est celui de la contorsionniste. « Ce fameux jour où mon père a découvert le cirque, il est rentré chez lui avec la volonté ferme de répéter le numéro qui l’avait tant impressionné, raconte Guy. Il a d’abord passé une jambe derrière sa nuque, puis la seconde… Mais il est resté coincé ! Ses frères n’ont pas réussi à l’aider, alors ils ont appelé leur mère. Elle lui a administré une paire de gifles avant de le libérer. Il s’est dit que ce serait moins dangereux de devenir clown ! »

Moins dangereux, mais pas forcément plus facile. Quand on ne s’appelle pas Zavatta, Gruss ou Bouglione, percer dans le métier reste une véritable gageure. À 19 ans, il tente sa chance en montant à Paris. « Tous les dimanche, j’allais regarder les entraînements des trapézistes, voltigeurs, jongleurs et funambules de Medrano. Ils m’aimaient bien, mais je n’ai jamais pu intégrer la troupe », souffle l’artiste dans l’âme. Il quitte la capitale sans avoir pu réaliser son rêve…

Mais alors, comment Jean Brunet est-il devenu le célèbre Gomina ? Comme souvent, l’Amour -avec un grand A- a tout chamboulé sur son passage. « Quand j’étais jeune, je me rendais souvent au patronage de Montierneuf (l’équivalent d’une maison de quartier aujourd’hui, ndlr). J’y rencontrais un copain qui voulait aussi faire du spectacle. Et surtout, il avait une grande qualité : sa sœur Marcelle, que je trouvais fort belle… Je me suis dit qu’il ferait un bon partenaire ! » Et c’est ainsi que sont nés Pastelli et Gomina. Un nom de scène trouvé lors d’une séance chez le coiffeur, qui proposa au clown un produit capillaire très à la mode pour parfaire sa coupe…

Le spectacle doit continuer

Jean a épousé Marcelle en 1939, alors qu’il accomplissait son service militaire. Une permission de quelques heures lui a juste laissé le temps de se rendre à la cérémonie. Le couple a eu cinq enfants, tous des garçons ! « Mon père ne devait pas avoir le mode d’emploi pour faire des filles », plaisante Guy.

Pendant plus de trente ans, Pastelli et Gomina ont sillonné les routes de France. En quelques coups de pinceaux à maquillage, Jean Brunet, le peintre en bâtiment, se transformait en clown farceur et facétieux. Il n’a jamais renoncé à la piste, même lorsque quelques minutes avant le lever de rideau, on lui a, un jour, annoncé par télégramme le décès de son frère… The show must go on.

Aujourd’hui, le -presque- centenaire reconnaît que les souvenirs se « bousculent » parfois dans sa tête. Une chose est sûre, le petit garçon qui soulevait la toile du chapiteau pour regarder le spectacle n’a pas pris une ride. Chapeau l’artiste !

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