Thierry Breton : « Les hommes font la différence »

Aujourd’hui PDG du groupe Atos, Thierry Breton a co-conçu le Futuroscope, au côté de René Monory. L’ancien ministre des Finances était sur le parc hier, dans le cadre du Forum des futurs (*). Entretien sans langue de bois.

Arnault Varanne

Le7.info

Thierry Breton, quel sentiment vous procure le fait de revenir au Futuroscope, trente ans après sa création ? 
« C’est toujours un moment particulier de revenir au Futuroscope. Ça me fait chaud au cœur. A l’époque, nous n’étions pas nombreux autour de René Monory. Ce que nous avons contribué à réaliser va sans doute au-delà des espérances que nous avions à l’époque. »
 
Ce parc, vous l’avez toujours couvé du regard ? 
« Toujours, oui ! Je viens souvent et je trouve à chaque fois qu’il progresse et évolue bien. Je suis très heureux de constater que le triptyque fondateur a perduré. Les nouvelles technologies de l’information ont changé notre façon de nous distraire, de travailler et d’apprendre. Le parc de loisir, la zone de formation et d’entreprises en sont  le meilleur exemple. »
 

Avec le Futuroscope, votre histoire s’est terminée de manière un peu abrupte. Auriez-vous aimé le diriger ? 
« Pour le voir naître,  j’y ai passé six ans en tant que chef de projet . Quand le Futuroscope a pris son envol, il était parfaitement normal que le Département le reprenne sous sa gestion. J’ai ensuite dirigé Bull puis quelque années plus tard Thomson, avant d’être appelé à la tête de France Télécom. Ce fut ensuite le Ministère de l’Economie et des Finances et maintenant Atos. Dans la vie, il faut savoir être utile là où on peut l’être. »
 
« L’endettement de la France ? Une catastrophe »
 
Depuis huit ans, vous dirigez Atos. Le groupe informatique compte près de 100 000 collaborateurs à travers le monde, prévoit d’en embaucher 60 000 dans les quatre ans. Le tout, sans endettement. Quelle est votre recette ? 
« Notre principal relais de croissance, c’est la transformation digitale des entreprises. On est l’une des seules de notre secteur à n’avoir aucune dette. Vous savez, j’ai toujours veillé à ne pas générer de dettes, lorsque j’étais au ministère des Finances comme au Futuroscope. René Monory m’a beaucoup appris là-dessus. Pour rappel, j’avais désendetté la France pendant mon passage à Bercy. Ce fut hélas la seule fois en trente ans. »
 
On imagine donc que la situation actuelle du pays  (2 100 milliards de dettes, ndlr) vous désespère… 
« C’est une catastrophe, un drame dont la droite et la gauche sont co-responsables. Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, ce fut près de 600 milliards supplémentaires et, malheureusement, François Hollande a continué. La situation devient très préoccupante. »
 
Vous soutenez Alain Juppé dans le cadre des primaires. Pourquoi ce choix ? 
« C’est incontestablement l’homme de la situation. Il a la stature d’homme d’Etat et la capacité de se confronter à des enjeux difficiles au cours des cinq prochaines années. Il faut quelqu’un qui soit apprécié et respecté à travers le monde. Et je peux vous dire que si un candidat est vraiment respecté, c’est Alain Juppé. »
 
Imaginons qu’Alain Juppé accède à l’Elysée demain et vous propose le ministère de l’Economie. Partant ? 
« Je ne me pose pas cette question, ma priorité c’est Atos.  Mais lorsqu’on a eu l’honneur de servir son pays, cela vous engage pendant mais aussi vous « oblige » après. Vous savez, personne ne vous force jamais à rentrer dans un gouvernement. »
 
A-t-on les mêmes moyens d’action dans un ministère un peu corseté comme celui des Finances et au sein d’une entreprise de dimension mondiale comme Atos ? 
« Rien n’est jamais corseté. Ce sont toujours les hommes qui font la différence. Ce que m’a appris René Monory, c’est que la vie est faite de rapports de force qu’il faut savoir mener. Cela vaut pour l’entreprise comme en politique. »
 
(*) Rendez-vous organisé par la Fondation prospective et innovation et Futuribles international. Le Forum des futurs propose des débats sur l’avenir. Son objectif : provoquer une réflexion sur les grands défis à moyen et long terme, auxquels nous sommes confrontés, et décliner  les expériences et les visions des participants pour le monde de demain. Clôture ce soir par Jean-Pierre Raffarin et Erik Orsenna, écrivain et membre de l’Académie française.

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