L’économie collaborative bouscule les codes

Transports, hébergement, services… L’ubérisation touche de plein fouet tous les pans de l’économie traditionnelle. Alors, l’économie collaborative, opportunité de rendre aux particuliers du pouvoir d’achat ou machine à détruire des emplois ? Les avis divergent.

Arnault Varanne

Le7.info

Depuis cet été, Nathalie et Frédéric sont propriétaires d’une maison à la campagne, avec un gîte attenant entièrement rénové. Plutôt que de le « réserver » à ses amis et sa famille, le couple a choisi de le mettre en location sur Airbnb.fr. Succès immédiat. Une dizaine de familles a déjà profité du charme des lieux, pendant les vacances de la Toussaint… direction le Futuroscope. Autant de clients dont les hôteliers de la Technopole n’auront pas vu la moindre trace. Et c’est bien ce qui gêne les acteurs de l’hébergement « traditionnel ». La simplicité de la plateforme, couplée aux revenus -non imposés- qu’elle génère pour les particuliers, bouleverse les codes habituels et met des secteurs en péril. 

Conscient du problème, le gouvernement envisage de taxer les revenus de cette activité, supérieurs à 23 000€ par an. « Ça ne nous concerna jamais, donc pas de souci ! », relève Nathalie. La mesure serait en revanche catastrophique pour les Gîtes de France. « L’intention initiale des pouvoirs publics était bonne : cibler les particuliers non déclarés, louant un local d’habitation meublé à partir de plateformes collaboratives numériques, en se soustrayant à toutes obligations fiscales et sociales, observe la Fédération nationale. Le souci est que ce dispositif inclut également les propriétaires de gîtes pratiquant leur activité touristique de manière légale et déclarée… » On est loin de la guerre déclarée entre les chauffeurs « Uber » et les taxis classiques, mais la bataille de l’hébergement fait tout de même rage. 

La fin des banques ? 

Transports, services… L’ubérisation de l’économie touche, qu’on le veuille ou non, l’ensemble des pans de l’économie mondiale. « Pour ma part, je suis très prudent sur le positivisme ambiant à propos de l’économie collaborative », observe Olivier Ezratty, consultant auprès d’entreprises pour l’élaboration de leurs stratégies d’innovation. Je considère qu’un Blablacar a beaucoup plus d’effets positifs qu’un Uber… Dans le premier cas, la finalité est de partager des frais, pas de faire de l’intermédiation entre des chauffeurs professionnels. » Alors, l’ubérisation, une mauvaise manière de redonner du pouvoir (d’achat) aux particuliers ? A fortiori lorsque ceux-ci se transforment en professionnels ?... La question agite la société. 

Philippe Herlin (*) va encore plus loin dans son analyse. Dans un ouvrage intitulé « Apple, Bitcoin, Paypal, Google : la fin des banques ? Comment la technologie va changer votre argent », l’économiste prédit la fin du système bancaire traditionnel. « La majeure partie de l’activité des banques tourne autour d’actes qui peuvent être ubérisées. Les professions intellectuelles seront, elles, préservées car le service est une valeur ajoutée. » Le compte Nickel et ses 450 000 clients, la croissance des banques en ligne (cf. n°331) ou le coup de force d’opérateurs télécom sur le paiement illustrent cette révolution en cours. Dernier exemple : l’émergence des plateformes de financement participatif, qui ont levé près de 300M€ en 2015, soit le double de l’année précédente. 

(*) Invité, la semaine passée, au Futuroscope, par les experts-comptables de la région.

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