Le droit à une seconde famille

Candidat à l’adoption, un couple de Poitevins s’est vu refuser un agrément par le Conseil départemental. Une mesure de protection très rare « cassée » par le tribunal administratif. Dans les faits, qui décide de quoi ?

Romain Mudrak

Le7.info

Le tribunal administratif de Poitiers a été le théâtre d’une scène surprenante à la mi-décembre. Le rapporteur public a soutenu la requête d’un couple de Poitevins mécontent, à qui le Conseil départemental avait refusé, en 2014, un agrément préalable à une demande d’adoption. Maniant parfois l’ironie, il s’est montré circonspect devant le rapport présenté par l’Aide sociale à l’enfance (Ase), le service en charge de la question au sein de la collectivité. Suivant son opinion, le juge administratif a décidé de donner raison à la famille requérante la semaine dernière, en annulant purement et simplement la décision du Département sur la base d’une « erreur d’appréciation ».

Si ce genre de revirement de situation est plutôt rare dans la Vienne, les refus d’agrément le sont tout autant. En 2016, un seul dossier a été retoqué sur un total de trente-deux. Dix procédures ont été stoppées pour diverses raisons par les candidats à l’adoption eux-mêmes. Vingt-et-une familles ont pu continuer leurs démarches sans problème.

Des refus « motivés »

Alors, comment sont effectuées les enquêtes visant à apprécier les capacités des candidats à accueillir un enfant ? La réponse vient de l’Ase. L’évaluation est confiée à un éducateur spécialisé et un psychologue, qui rencontrent les prétendants deux ou trois fois. « Les professionnels font part des conclusions de leur rapport. Les candidats ont ensuite la possibilité de demander la correction d’erreurs matérielles, de faire connaître leurs observations par écrit, de repréciser leur projet d’adoption, de demander à être entendus par les membres de la commission d’agrément et de solliciter la réalisation de nouvelles évaluations. » Tout est fait pour que la décision finale soit aussi objective et circonstanciée que possible. D’ailleurs, tout refus doit être « motivé », précise l’Ase.

Dans l’exemple, le couple déjà parent de trois enfants répondait aux critères techniques (lire ci-dessous). En revanche, les experts ont décelé d’autres faiblesses. Selon eux, l’arrivée d’un enfant potentiellement victime d’un traumatisme était susceptible de mettre en péril l’équilibre du foyer, jugé uni et solide. De quoi provoquer l’interrogation du rapporteur public : « Faut-il que le foyer soit moins épanoui pour mieux réussir une adoption ? »

Autre argument rapporté lors de l’audience : une certaine méconnaissance des difficultés éventuelles en matière de sécurité affective, d’identité… Réponse du magistrat : « La réglementation française ne dit pas qu’une formation en psychologie ou en science de l’éducation est nécessaire pour adopter. » Dont acte. Forte de la décision du tribunal administratif, les plaignants ne se découragent pas et comptent déposer une nouvelle demande d’agrément.

 

Les règles de l’adoption
En France, l’adoption est ouverte aux couples mariés depuis plus de deux ans ou dont les deux membres sont âgés de plus de 28 ans. Depuis la loi de mai 2014 sur le « mariage pour tous », les couples homosexuels peuvent également y prétendre et bénéficier ensemble de l’autorité parentale. Les célibataires de plus 28 ans ont aussi la possibilité d’adopter un enfant. Dernière règle : un écart de quinze ans est requis entre l’adoptant et l’adopté.

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